travailleur salarié et les autres citoyens. Il en est presque de même en Angleterre, où les associations ouvrières, nommées trade’s unions, quels que soient les périls qu’elles comportent et les méfaits qu’elles aient commis, viennent d’être reconnues par un bill récent comme personnes légales. Les droits politiques aussi ont été largement octroyés aux ouvriers. En Angleterre, le suffrage descend de plus en plus dans les couches inférieures de la population ; en France, le vote universel permet aux ouvriers de peser d’un grand poids dans les destinées du pays. Il s’en faut néanmoins que ces réformes donnent toute satisfaction aux vœux populaires, nos populations ouvrières en ont retiré seulement un sentiment exagéré de leur force. Ce qui devait être un moyen d’apaisement n’a été dans bien des cas qu’un stimulant à des exigences peu légitimes. La conscience et l’intelligence du peuple ne sont pas encore assez éclairées ; elles se sont fait parfois du suffrage universel une conception sauvage qui supprime tous les droits individuels et tout respect des minorités. Les améliorations dans les voies de locomotion, les rapprochemens entre les classes analogues des différentes nations ont eu aussi leur part dans cette surexcitation. Les expositions universelles ont été l’occasion, si ce n’est la cause de l’essor d’une catégorie spéciale d’ouvriers dont l’importance est devenue considérable. Les délégués à l’exposition de Londres ont été les chefs de ligne de cette démocratie ambitieuse et turbulents qui, après avoir parlé à mots couverts, avoue maintenant le dessein arrêté de renverser la société pour la reconstruire sur un autre plan. L’on a vu se constituer un état-major nombreux d’hommes intelligens, actifs, qui ont changé leur position d’ouvriers pour celle de politiques marrons. Ils ont l’instruction superficielle et unilatérale qui plaît aux esprits absolus et qui séduit les ignorans ; ils écrivent avec élégance et netteté, leur parole est toujours facile, au besoin elle est éloquente ; ils ont en outre toutes les qualités du diplomate : — produits curieux d’une époque où l’ambition pénètre et soulève toutes les classes, où une instruction toute de surface aiguise et polit les esprits sans les fortifier. Toutefois l’influence de cette petite aristocratie ouvrière a moins de réalité que d’apparence ; elle ne conserve son crédit qu’à la condition de flatter et de servir les projets et les aspirations populaires.
Or ces aspirations et ces projets sont de plus en plus tournés vers le socialisme ; il semble que tout ce qui entoure nos masses ouvrières développe en elles ces instincts dangereux. Il n’est pas jusqu’aux progrès de la science qui ne fournissent des argumens ou du moins des prétextes aux rêveries chimériques d’une partie de nos populations laborieuses. Ces merveilleuses transformations que le