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Cependant nous franchissons tous ces endroits, réputés dangereux, sans aucun accident, et, puisque chaque jour apporte des améliorations nouvelles, il paraît certain que dans peu de temps on circulera en toute sécurité sur cette partie de la ligne. La station de Green-River n’est pas sans importance. Une population nombreuse d’ouvriers y avait élu son quartier-général durant les travaux du chemin de fer ; elle est partie à présent, et les maisons neuves, abandonnées et tombant déjà en ruines, donnent un aspect de décrépitude à cette ville née d’hier ; on rencontre d’ailleurs tout le long de la voie de semblables campemens aujourd’hui déserts. Les propriétaires et constructeurs de l’éphémère cité avaient emporté avec eux les portes et fenêtres de leurs demeures de quelques mois pour utiliser ces matériaux dans l’édification d’une nouvelle ville. Les murailles des habitations étaient encore debout, et ces ruines d’un nouveau genre avaient un caractère particulièrement triste, en harmonie du reste avec le sauvage pays des Eaux-Amères.

Avant la tombée du jour, nous arrivâmes au pied des Montagnes-Rocheuses ; mais la nuit était venue lorsque nous traversâmes le sommet, situé entre les stations de Creston et de Separation, à une altitude de 7,700 pieds. Le chemin de fer n’a eu du reste en cet endroit aucune difficulté extraordinaire à vaincre. A la station de Rawlings, nous eûmes un souper convenable, et qui nous parut exquis en le comparant aux maigres repas dont, depuis Truckee, nous avions été forcés de nous contenter. Le lendemain matin, à la pointe du jour, après avoir passé devant un grand nombre de stations qui n’existent pour ainsi dire que de nom, nous nous arrêtâmes à Laramie, un des principaux entrepôts de cette ligne. Laramie est à 572 milles d’Omaha et à 391 milles de Wasatch. C’est une petite cité d’une certaine importance, et qui finira par concentrer dans ses murs le peu de commerce qui se fait à l’ouest de Cheyenne. La compagnie de l’Union y a construit des ateliers ; la main d’œuvre y est fort chère, on n’y travaille qu’à la plus urgente besogne, telle que la réparation des locomotives et wagons détériorés entre Omaha et Wasatch.

Sur le plateau de Laramie, de même que sur les hauteurs des Montagnes-Rocheuses et des Collines-Noires (Black-Hills), l’Union a établi des abris coûteux pour protéger la voie contre les neiges qui durant l’hiver tombent en abondance. Ces paraneiges ne ressemblent point aux remarquables constructions élevées dans la traversée de la Sierra-Nevada. La voie de l’Union n’est pas en cet endroit encaissée comme celle de la compagnie centrale. La plus grande partie du parcours se fait à travers une plaine plus ou moins élevée. On n’avait point à se garantir contre les éboulemens ni contre les