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cessité immédiate, puisqu’il n’y a eu jusqu’ici aucun conflit entre le corps législatif et le nouveau ministère, — ni même une tradition parlementaire invariable ; c’est une question d’opportunité et de circonstance, M. Daru l’a laissé entrevoir avec autant de tact que de jugement politique. — Est-on bien certain d’ailleurs qu’une élection entreprise aujourd’hui produirait ce qu’on en attend, qu’un corps législatif nouveau vaudrait beaucoup mieux que celui que nous avons ? Une élection à l’heure présente serait vraisemblablement l’expression de l’immense désordre d’idées inhérent à une transition qui n’est même pas achevée. On nous écrivait récemment de province : « Liberté complète ici ! Nous avons des valets de ville qui colportent tout ensemble dans leur bissac les avis de la commune, les circulaires de M. le préfet et la Marseillaise ! Du reste, ils n’y mettent aucune malice, cela leur est parfaitement indifférent. » C’est l’image de ce qui se passe un peu partout, confusion et incertitude. Le plus pressé est donc d’éclairer les esprits, de hâter l’organisation libérale du pays, de refaire une situation nette et telle que les populations sachent au moins ce qu’elles font, sur quoi elles vont voter, et, pour accomplir cette œuvre nécessaire avant tout, de quel instrument peut-on se servir si ce n’est de la chambre qui existe ? C’est fort bien de proclamer l’indignité d’une assemblée, seulement on ne voit pas que du même coup on proclame la radicale inaptitude de cette assemblée à faire la loi essentielle, mère d’une représentation nationale nouvelle, — la loi électorale.

Est-ce à dire que ce corps législatif doive vivre indéfiniment ou même longtemps ? Nous ne le savons certes pas ; il peut aller plus vite qu’il ne croit vers la dissolution, s’il continue, comme aussi il peut prolonger son existence avec plus de bon sens. Encore une fois c’est une question d’opportunité, de même que les candidatures officielles, qui ont donné lieu l’autre jour à de si dramatiques débats, à de si vives péripéties parlementaires, sont tout simplement une question de mesure. Notre malheur en France est toujours le fanatisme des mots et des déclarations sonores ; nous ne pouvons pas nous résoudre à considérer une affaire politique avec la simple raison politique ; il nous faut à tout prix des idéalités et des systèmes pour paraître sérieux. Si les partis étaient de bonne foi, et s’ils voulaient en convenir, le problème des candidatures officielles ne serait point, après tout, bien difficile à résoudre. Il n’est point douteux que le gouvernement ne peut ni ne doit faire des élections comme il fait de l’administration, qu’il n’a pas le droit de mettre en mouvement l’immense machine placée sous sa main, de se servir des ressources dont il dispose pour aider à la nomination d’un député ; il ne doit en un mot ni suspendre la loi pour ses candidats préférés, ni abuser de son pouvoir. Tout cela est clair comme le jour. Quant au reste, quant, à l’abstention absolue préconisée par M. Jules