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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/57

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d’appeler la cause à son tribunal. En même temps, le ministre bavarois avertissait le cabinet de Vienne qu’il eût à se replacer sur le terrain légal dans la question des duchés, qu’à cette condition seulement il aurait qualité pour saisir la diète de ses griefs. Cet avertissement fut entendu. L’Autriche commençait à se repentir d’avoir trop longtemps joué le jeu de M. de Bismarck ; elle abjura ses longues et déplorables erreurs, elle se ressouvint qu’il y avait une confédération germanique, elle lui déféra le jugement souverain du procès. Dès lors Les états allemands ne pouvaient plus hésiter sur la conduite à tenir ; en restant neutre, la diète eût abdiqué, renoncé à l’existence, et elle se flattait d’exister ; c’était à M. de Bismarck de lui prouver le contraire. Tout en s’occupant de rassembler les élémens de cette démonstration, la Prusse s’efforçait d’embrouiller la question et de troubler les esprits par des propositions de réforme fédérale ; elle en appelait de la diète de Francfort à une autre confédération germanique dont elle avait le plan en portefeuille. Les contradictions ne lui coûtaient guère. Elle avait accusé l’Autriche de pactiser avec la démagogie en parlementant avec les populations du Holstein, et le lendemain elle proposait la convocation d’un parlement fédéral, puis la création d’un nouveau Bund dont l’Autriche serait exclue, et où l’hégémonie militaire du sud serait attribuée à la Bavière. Qui pouvait croire encore à son libéralisme, à ses concessions ? Les états secondaires étaient tentés de lui répondre ce que disaient à Faust et à Méphistophélès les braves habitués du caveau d’Auerbach : « Je vous en prie, regardez-nous en face, car nous croyons nous apercevoir que vous vous moquez de nous. »

Nein, Herren, seht mir ins Gesicht !
Ich seh’ es ein, ihr habt uns nur zum Besten.

Quoi qu’on en dise à Berlin, l’Allemagne fit en 1866 la seule chose qu’elle pût faire. Elle prit parti pour celui des belligérans qui lui faisait l’honneur de reconnaître son existence, et qui tardivement avait mis le bon droit de son côté. En politique, il ne suffit pas d’être correct, il faut être heureux, et la fortune est moins capricieuse qu’il ne semble elle dispense volontiers ses faveurs à ceux qu’elle trouve en état de grâce, c’est-à-dire attentifs et prêts. Or depuis bien des années on avait fait à Munch et à Stuttgart de grandes économies sur le budget de la guerre, et l’on n’était pas prêt. On le fit savoir à Vienne, on demanda du temps. Le cabinet autrichien, dans sa superbe confiance, déclara fièrement qu’il répondait de tout, que ses alliés pouvaient s’en rapporter à lui, qu’au besoin il se chargeait à lui seul de mettre la Prusse à la raison, — après quoi les canons eurent la parole, et donnèrent un éclatant