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les gouvernemens, mais qui, groupés en quelque sorte et servant de cortège à un crime éclatant, au plus odieux assassinat, frappaient les imaginations de je ne sais quelles lueurs sinistres dont un art infernal doublait encore l’éclat. Le pouvoir avait beau livrer à la justice les coupables, quels qu’ils fussent, et, par la rigueur inflexible de poursuites criminelles, démontrer son intégrité et la fausseté des calomnies inventées contre lui, le public n’en conservait pas moins une impression mensongère et malsaine, voisine de l’hostilité, tout au moins de l’indifférence, et que rien ne pouvait effacer.

Pendant que ces plaies morales troublaient et agitaient la France, l’Europe, on s’en souvient, n’offrait pas un spectacle plus rassurant. Partout la révolution levait la tête et se mettait à l’œuvre ; un vent contagieux soufflait avec violence et commençait à ébranler les trônes; mais ce qu’il y avait pour nous de plus grave dans ce triste état de l’Europe, c’était que la puissance qui la première et dès le premier jour avait reconnu notre gouvernement et accueilli nos institutions naissantes, qui, depuis dix-sept ans notre alliée fidèle, avait encore tout récemment, par d’opportunes concessions, mis fin aux questions irritantes dont les ennemis de notre royauté comptaient tirer si grand profit, que l’Angleterre en un mot fût devenue tout à coup, dans ses rapports avec la France, froide, ombrageuse et presque hostile. L’avènement à Londres d’un nouveau ministère ou plutôt d’un ministre avait fait tout le mal; il faut bien dire aussi qu’une des questions qui, entre les deux pays, risquaient le plus de réveiller les querelles séculaires, venait de recevoir une solution si soudaine et tellement française que l’amour-propre britannique ne pouvait guère manquer de s’en montrer froissé. Aussi ces mariages espagnols, qui chez nous rencontrèrent d’abord, de la part du plus grand nombre, un accueil favorable, justement parce qu’on les savait peu agréables à l’Angleterre, et qui à ce titre avaient valu pour un instant à ceux qui les avaient conclus presque un retour de faveur populaire, bien des gens ne les avaient vus qu’avec un certain regret et n’en avaient tiré, même au premier instant, que de fâcheux augures. Pourquoi ne pas le dire? de ce nombre était celui dont nous parlons ici. Rarement je l’avais vu plus soucieux et plus sombre que le jour où il avait appris que la parole de la France venait d’être subitement engagée. « C’est jouer, disait-il, gros jeu pour peu de chose ; c’est risquer de perdre une amitié puissante pour s’assurer une alliance vermoulue, sacrifier à des satisfactions de famille et à un éclat apparent les sérieux intérêts du pays, en d’autres termes, subordonner la grande politique à la petite. » Aussi se plaignait-il que le caractère de la négociation n’eût pas permis d’en parler au conseil et qu’un tel acte se fût conclu