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des notions plus saines que ne l’étaient, au temps de Watelet et des encyclopédistes, les admirations de confiance pour les héritiers des Carrache et pour les faux chefs-d’œuvre qu’ils ont produits.


I.

Le livre dans lequel M. Paul Mantz vient de retracer les phases principales que la peinture a traversées en Italie nous semble très propre à confirmer ces progrès généraux de l’opinion en conseillant utilement les esprits pressés, ceux qui, faute de dispositions spéciales ou de loisir, entendent s’en tenir aux aperçus d’ensemble et au simple résumé des choses. Le nouvel ouvrage sur les Chefs-d’œuvre de la peinture italienne n’est pas, — son titre l’indique suffisamment, — une histoire de tous les événemens pittoresques, de tous les talens qui se sont succédé pendant quatre siècles en Toscane ou en Ombrie, à Venise ou à Rome, à Naples ou à Milan : c’est une sorte de précis historique ou, comme on aurait dit autrefois, de Discours dans lequel la chronologie des faits est exposée en termes succincts, mais substantiels, et le caractère des différens progrès défini par quelques illustres exemples. Je ne parle ici toutefois que des formes de la démonstration littéraire. Les mérites qui distinguent le travail de l’écrivain dans les Chefs-d’œuvre de la peinture italienne ne recommandent pas au même degré les reproductions chromolithographiées de ces chefs-d’œuvre, et il n’est pas besoin d’un fort long examen pour reconnaître ce que l’exécution des planches publiées en regard du texte a trop souvent d’imparfait en soi, ou d’insuffisamment conforme aux apparences des modèles.

En face de pareils types d’ailleurs, convenait-il bien de recourir au procédé chromolithographique? Passe encore s’il s’était agi seulement de nous rendre l’aspect calme et le coloris sans complication des peintures appartenant au XIVe ou au XV siècle. Cette sobriété même, cette franchise dans l’harmonie qu’offrent les fresques de la vieille école florentine, pouvaient jusqu’à un certain point autoriser l’emploi d’un moyen peu différent de l’enluminure, et les reproductions de quelques scènes peintes par Ghirlandaïo et par Jean de Fiesole ne laissent pas de donner une idée assez exacte de la physionomie propre aux œuvres originales; mais comment, par la simple application de teintes plates sur la pierre, arriver à une imitation satisfaisante de cette souplesse dans le modelé ou dans le ton, de ces nuances infinies, de ces mille modulations pittoresques qui font le charme d’un tableau de Léonard, de Raphaël ou de Corrège? Des chromolithographies comme celles où l’on a entrepris de représen-