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clarté dans des questions obscures ou équivoques, l’ordre dans une série d’œuvres et de talens envisagés pêle-mêle jusqu’à présent. Les Sculpteurs italiens, avec les nombreuses planches qui accompagnent le texte et que M. Perkins a gravées lui-même, ne laissent rien à désirer du côté de l’authenticité historique et de l’exactitude des informations. Il n’y aurait par conséquent nulle exagération à dire qu’un pareil livre a épuisé le sujet, si la part des aperçus critiques n’y était parfois trop étroitement mesurée, et l’analyse des doctrines un peu sacrifiée à la chronologie ou à la nomenclature.

Pourquoi ces abstentions ou ces scrupules? On a d’autant mieux le droit de les regretter que, lorsqu’il arrive à l’auteur des Sculpteurs italiens de se départir de sa réserve habituelle, il prouve que chez lui le goût est aussi sûr que l’érudition est solide. Le chapitre entre autres qu’il a consacré à Donatello et les jugemens en général qu’il porte sur les chefs-d’œuvre de l’école florentine montrent bien qu’il sait, quand il le veut, rattacher les conséquences aux principes et dégager le sens secret des choses; mais ailleurs sa méthode est moins pénétrante, et son procédé d’exposition plus succinct. Est-ce assez, par exemple, à propos des riches sculptures de la chartreuse de Pavie, de nous donner l’âge de l’édifice ou de nous représenter tout uniment celui qui le visite aujourd’hui « absorbé dans la contemplation des objets dont il est entouré? » Est-ce assez d’autre part d’ajouter à la description de certains monumens funéraires à Bergame et à Venise une simple remarque sur « l’absurde mode de couronner les tombeaux de la statue équestre du défunt? » Encore faudrait-il que, tout en laissant le visiteur à sa « contemplation » muette, on nous fît pressentir quelque peu les caractères de ce qu’il regarde, ou qu’en relevant ailleurs les témoignages du faux goût, on ne négligeât pas de nous dire on quoi consistent les fautes commises et quelles lois ont été transgressées. Il nous aurait semblé opportun surtout que l’auteur des Sculpteurs Italiens s’appliquât davantage à déterminer la physionomie particulière de chaque école, et qu’à la liste si savamment dressée par lui des artistes et des travaux dignes de mémoire il joignît plus souvent les observations, les commentaires, qu’autorisaient, qu’exigeaient même les exemples ou les documens produits.

Nous rappelions tout à l’heure la permanence de l’empire exercé sur l’art florentin par les souvenirs de l’art antique : cette action n’est ni moins évidente ni moins continue dans les œuvres appartenant aux écoles du nord de l’Italie; seulement elle se complique ici de certaines conditions inhérentes au génie de chaque race ou aux mœurs de chaque province. En prétendant à la pureté classique du style, des artistes tels que Bambaja, Tullio Lombardo et Riccio, —