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leurs argumens, c’est que le son devient plus aigu lorsqu’on coupe une portion des ailes; mais cela s’explique par la facilité plus grande avec laquelle l’insecte peut mettre en mouvement des ailes plus courtes. Le son cesse d’ailleurs quand les ailes sont enlevées complètement ; il semble donc plus naturel de l’attribuer aux vibrations de ces organes. Quoi qu’il en soit, la méthode graphique nous renseigne d’une manière précise sur la fréquence et la forme des battemens. On commence par noircir une feuille de papier qu’on applique ensuite sur un cylindre auquel un mouvement d’horlogerie imprime une rotation assez rapide; avec une pince délicate, on saisit l’insecte par l’abdomen et on l’approche du cylindre de façon que l’une des ailes vienne frôler le papier. La trace blanche qui se dessine sur le fond noir indique les révolutions de l’aile. Pour les compter avec plus de facilité, on dispose à côté un diapason muni d’une pointe flexible qui fait 100 ou 200 vibrations par seconde; le tracé qu’il fournit représente l’échelle des durées, divisée en centièmes ou deux-centièmes de seconde. Voici quelques chiffres qui donneront une idée des variations que présente la rapidité des battemens d’une espèce à l’autre :


Mouche commune 330 battemens par seconde.
Bourdon 240 — —
Guêpe 110 — —
Macroglosse du caille-lait 72 — —
Libellule 28 — —
Papillon (piéride du chou) 9 — —

Pour arriver à connaître les différentes positions que l’aile occupe pendant une révolution complète, M. Marey a eu d’abord recours à la méthode optique. Il a doré les extrémités des grandes ailes d’une guêpe, afin d’en pouvoir suivre la trace lumineuse. Ce ne fut pas facile, car la brusquerie de ces mouvemens est telle qu’elle projette au loin les paillettes qu’on a essayé de fixer. M. Marey parvint cependant à les faire tenir, et, plaçant la guêpe dans un rayon de soleil, il constata que le bout de chaque aile décrivait un 8 très allongé. En dorant seulement la face supérieure des ailes, on s’assure encore qu’elles s’inclinent en avant pendant la descente, et en arrière pendant l’ascension; on le reconnaît aux variations d’éclat qu’elles éprouvent, et qui ont pour cause la réflexion plus ou moins complète de la lumière incidente. Le trait plein du chiffre 8 représente la moitié brillante de l’orbite, où l’aile s’abaisse et se trouve vigoureusement éclairée; le trait délié correspond à l’ascension, où l’aile reçoit moins de lumière parce qu’elle penche alors en arrière. Il est donc prouvé que l’aile tourne lorsqu’elle descend et lorsqu’elle remonte. Cette flexion, qui est due à la résistance de