qu’il peut comprendre, à un public de villageois. Un peu lourd de tempérament, rude d’écorce et de manières, assez instruit pour mêler un peu de raisonnement à ses préventions et à ses instincts, organisé en associations puissantes qui couvrent tout le pays de leur réseau, vivant sur une terre grasse et fertile qui récompense abondamment les sueurs de l’homme, et dans un pays où il y a du bonheur, le paysan bavarois est très attaché à ses habitudes, à ses souvenirs : il est conservateur avec passion. L’esprit moderne l’inquiète, le trouble, parce qu’il se présente à lui sous les traits de la bureaucratie et que les bureaux sont ses plus grands ennemis. La liberté, telle qu’il l’entend, est celle qui le soustrait autant que possible au contrôle et aux tracasseries de cet être invisible qu’on nomme l’état, lequel n’entre guère en conversation avec lui que pour lui demander de l’argent, lui intimer des ordres ou lui signifier des défenses. Il n’obéit volontiers qu’à certaines autorités qu’il peut aimer, parce qu’elles ont un visage, ou parce qu’il sait nettement à quoi elles servent : son roi, sa commune, son curé. Voilà, dans sa pensée, les rouages qui font aller le monde. Les lois et les fonctionnaires sont des inventions bourgeoises ; quand ses meneurs veulent lui échauffer la tête, ils lui représentent que le gouvernement dont il se plaint, qui lui augmente chaque année sa cote, est un gouvernement de bourgeois. Ce mot dit tout ; il n’en demande pas davantage, il sait ce qu’il doit faire et comment il doit voter.
La Bavière est l’un des pays où le clergé a conservé le plus longtemps ses privilèges et son omnipotence. Livrée aux jésuites, lorsque le joséphisme vint à régner en Autriche, elle se gara de cette contagion, sa foi demeura vierge et incorruptible. Ce fut l’électeur-roi Maximilien-Joseph qui, le premier, revendiqua les droits de la société civile. En 1817 et 1818, la Bavière reçut tout à la fois une constitution et un concordat. Une lutte sourde s’engagea entre les deux puissances, lutte mêlée d’alternatives diverses. Tantôt l’état concédait trop, tantôt il faisait prévaloir avec ses intérêts ceux de la science, de la tolérance et de la civilisation. Depuis dix ans surtout, il a fait des pas décisifs ; il lui serait difficile de retourner en arrière. Quand le clergé ne peut plus disposer de l’état, qu’il n’a plus le gouvernement à sa dévotion, il se fait peuple. C’est à quoi il a réussi en Bavière plus encore qu’ailleurs. S’appuyant sur le paysan, épousant ses passions, lui parlant sa langue, qu’il savait de naissance, il s’est fait le représentant de ses instincts à la fois conservateurs et démocratiques, de son aversion pour le régime bourgeois. Sans laisser dormir dans leur fourreau les vieilles armes ecclésiastiques, il s’en est forgé de nouvelles ; il a usé avec habileté de tous les moyens d’agitation inventés par la démocratie, la presse, les assemblées, les associations. Le clergé bavarois constitue