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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/792

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Il fallut porter à la main la terre nécessaire à la construction des coffres. Le jour revint avant que les travaux fussent achevés; ils continuèrent en plein midi avec la plus grande activité, et à quatre heures du soir l’artillerie avait terminé ses trois batteries malgré les coups trop bien dirigés des canonniers turcs, malgré le caractère offensif que prit la résistance pendant cette première journée du siège, et qu’elle garda jusqu’au dernier moment. Le système de défense est le même que celui de l’année précédente; la garnison et les Arabes du dehors combinent leurs mouvemens pour presser les Français entre deux attaques simultanées, et pour les user en détail en ne leur laissant aucun repos.

Ben-Aïssa conduit avec sa vigueur accoutumée la part qui lui revient dans l’exécution de ce plan, bien adapté à l’esprit et aux habitudes des musulmans. Aussitôt après la prière du matin. Turcs et Kabyles sortent à la fois sur Sidi-Mécid et Coudiat-Aty; en même temps 3,000 chevaux font un hourra sur la 4e brigade bivaquée au revers de Coudiat-Aty. Le 47e les reçoit avec fermeté; le 3e chasseurs d’Afrique reprend la charge, mais il s’emporte trop loin et perd quelques hommes pour n’avoir pas su s’arrêter à temps, ce qui est si essentiel contre des troupes irrégulières.

L’infanterie, selon son habitude, tient plus ferme. Les Turcs, qui s’enivrent facilement de la poudre et finissent souvent avec acharnement un combat mollement commencé, viennent planter leur drapeau tout près des retranchemens gardés par la légion étrangère.

Le commandant Bedeau, à la tête de ses soldats, franchit l’épaulement, et refoule l’ennemi à la baïonnette jusque près des murs de la place, dont la mitraille met un terme à la poursuite. Les plus tenaces des Turcs, cachés dans les anfractuosités du terrain, continuent une vive fusillade jusqu’à ce que l’appel à la prière de midi les arracha au combat. Après leur retraite, les Français restent aux prises avec un ennemi plus redoutable encore, la continuité du mauvais temps. Les élémens, auxquels Ben-Aïssa semble commander, sont déchaînés depuis deux jours ; la nuit du 7 au 8 est atroce et se consume en efforts inutiles.

L’armement des batteries du Mansoura ne peut s’exécuter que partiellement : la pluie a enlevé en entier les roches schisteuses du chemin de remblai construit par le génie; le terrain, qu’on s’efforce en vain de raffermir, manque sous les pieds des chevaux, que les lanternes effraient au lieu de les guider. Les deux pièces de 16 et la pièce de 24 roulent avec chevaux et conducteurs dans des précipices, où elles restent renversées dans la boue. Les zouaves, ces soldats ambitieux, toujours prêts à tout pour établir la préémi-