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Français de leur chef, et ne laisse à ce général, tué comme Turenne et Berwick, que l’honneur d’une victoire posthume.

Le 12 au matin, le général en chef de Damrémont, accompagné de tout son état-major, se rendait à la nouvelle batterie de brèche par un chemin entièrement vu de la place. Un premier boulet passe sur sa tête; on l’engage à hâter le pas et à ne point dédaigner cet avertissement. « Cet égal, » répondit-il avec ce calme et ce courage qui le caractérisaient. Un second boulet ricoche aussitôt en avant, couvre de terre tout le groupe et renverse le général en chef, qui tombe mort entre le duc de Nemours et le général Rulhières. En même temps une balle mortelle vient atteindre le général de Perregaux, chef d’état-major général.

La confiance universelle qu’inspire le général Vallée, appelé par droit d’ancienneté au commandement en chef, prévient les conséquences ordinairement si funestes d’un changement d’autorité au milieu de si graves circonstances. Uno avulso. non déficit alter.

L’artillerie venge le général de Damrémont en faisant voler en éclats les pièces qui lui ont donné la mort; à midi, les derniers feux des remparts sont éteints pour ne plus se rallumer. Depuis lors, les salves saccadées et solennelles du tir en brèche couvrent seules le bruit de la mousqueterie. La nouvelle batterie continue l’œuvre de la première; la brèche se perfectionne, le talus se forme. On dispose l’assaut en agrandissant avec des sacs à terre une place d’armes commencée la nuit précédente à gauche de la batterie de brèche, pour se garantir d’une attaque à revers. Ce sont encore les sapeurs et les zouaves qui exécutent cet ouvrage, où se masseront les colonnes d’attaque.

La garnison, privée de ses canons, entretient une fusillade violente, et tente encore une dernière fois les sorties qui ont déjà si souvent échoué contre la fermeté des troupes françaises; mais le cœur manque à Achmed, Déjà ses cavaliers ont été la veille plus mous que d’habitude, et, à la vue de la brèche qu’il aperçoit avec sa lorgnette, son aveuglement, son abandon à la fatalité disparaissent; il n’espère plus que dans l’instabilité des Français et leur envoie un parlementaire pour demander de cesser le feu et de négocier. « Il est trop tard, répond le général Vallée; nous ne traiterons que dans Constantine. » Et il dicte ses ordres pour l’assaut.

L’assaut sera donné de jour, parce que l’obscurité de la nuit, grandissant les obstacles, est tout à l’avantage du défenseur, qui a disposé et connaît les localités; il aura lieu le lendemain vendredi 13 octobre au lever du soleil. Des esprits timides, qui eussent dû donner l’exemple de la sécurité et de la confiance, étaient frappés du sinistre présage que renfermait, disaient-ils, la date du ven-