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ligente répondait d’une manière exceptionnelle à l’appel des savans nationaux, et leur envoyait plus d’adhésions que n’en avait reçu Paris lui-même. Ils ont éprouvé un mouvement de juste fierté en voyant arriver à Copenhague, pour prendre part au congrès, en dehors de toute cause accessoire d’attraction, presque autant d’étrangers qu’en avait vu la capitale de la France en temps d’exposition. Ils se sont étonnés en comptant parmi ces visiteurs qui venaient pour ainsi dire se mettre à leur école quelques hommes éminens qui dans les luttes politiques s’étaient montrés des plus durs envers eux. Ils ont senti que, faibles et malheureux dans les champs de la guerre, ils étaient restés grands et forts sur le terrain de l’intelligence, et se sont promis de garder cette supériorité que la force brutale ne peut ravir. Ils ont espéré que nous rentrerions dans nos patries prêts à redire ce que nous aurions vu, prêts à soutenir que le Danemark n’est pas mort.

Je ne crains pas de l’affirmer, cet espoir n’aura pas été déçu. J’en ai pour garans les sentimens que j’ai entendu exprimer par tous mes collègues, sans acception de nationalité. Et ce n’était pas seulement la reconnaissance pour une réception inattendue qui les faisait parler. L’immense majorité d’entre nous étaient exclusivement des hommes de science, bien étrangers aux agitations de la politique active; mais la science ne dessèche pas le cœur, elle ne rend pas aveugle aux grands faits de ce monde. Peut-être même l’homme intelligent, habitué à réfléchir, qui assiste sans s’y mêler aux luttes journalières, voit-il parfois plus juste que le plus habile des combattans. Les accidens du jour ne lui cachent pas les faits généraux et la résultante des choses. Eh bien! pour qui connaît la situation du Danemark, pour qui a pu, comme nous, juger ce peuple et sentir battre le cœur de la nation, deux faits sont incontestables : le premier, c’est qu’il y a dans ce petit pays une nationalité vivace qui résisterait au besoin à la force la plus brutale, aux plus longues persécutions; le second, c’est que ces sentimens de patriotisme existent chez un peuple remarquable par son développement intellectuel et moral, égal et supérieur sous certains rapports à n’importe quel peuple d’Europe, et qui, injustement opprimé, mérite à tous égards l’intérêt sympathique et actif de quiconque aime la justice.

Un autre fait non moins évident à nos yeux, c’est qu’en défendant sa propre cause le Danemark combat dans l’intérêt de tous. Le principe de l’agglomération des peuples par races, plus ou moins contre-balancé par celui du vote populaire, menace de mettre à néant tous les traités anciens et nouveaux. J’ai constamment repoussé pour mon compte cette dangereuse application des sciences