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c’est le sentiment de cette contradiction qui fermait d’abord tant de lèvres devant la noble jeune fille que la population danoise tout entière accueillait comme un gage d’alliance et d’espoir. Tel qu’il est, ce chant rappelle un passé qui ne doit plus renaître, des sentimens qui ne sont plus. Si Christian IV revenait au monde, ce n’est certes pas contre les Goths qu’il tirerait la lourde épée couchée sur son tombeau dans la chapelle de Rœskilde. C’est à eux au contraire qu’il tendrait sa main désarmée.


II.

Le patriotisme des Danois, servi par une énergie à la fois active et patiente, se retrouve partout. Il a été pour une bonne part dans la formation de leurs plus beaux musées; il assure le développement futur de ceux qui laissent encore à désirer. Au temps de la prospérité, une souscription publique, à laquelle concoururent toutes les classes de la population, permit à la ville de Copenhague d’élever au grand sculpteur dont elle est si justement fière ce monument unique au monde où Thorwaldsen repose entouré d’un musée presque entièrement composé de ses propres œuvres[1]. Au lendemain même des revers, l’université, la ville, l’état, le roi, reconstruisaient les bâtimens universitaires, donnaient aux collections zoologiques recueillies par les Eschricht et les Steenstrup les galeries qui leur faisaient défaut, consacraient une maison entière au laboratoire de physiologie, remaniaient les musées d’ethnologie et d’archéologie préhistorique, et réorganisaient le musée des souverains, comme si les malheurs politiques avaient redoublé dans la population l’ambition des choses de la science et de l’art.

De toutes ces collections, les plus remarquables sans contredit sont celles qui touchent à l’histoire du pays. Elles ne sont pour ainsi dire que le développement d’une institution fondée à Copenhague vers le milieu du XVIIe siècle par le roi Frédéric III. Sous

  1. Le musée Thorwaldsen ne comprend que les œuvres du maître et un certain nombre d’objets d’art qu’il avait réunis surtout pendant son séjour en Italie. Les bâtimens rappellent dans leur ensemble les sépultures grecques et étrusques. Ils entourent une cour dont la décoration est empruntée aux mêmes données. Le tombeau, placé au milieu de l’enceinte, consiste seulement en un petit tertre couvert de lierre et entouré d’un cadre de granit portant le nom de l’artiste et les dates de sa naissance et de sa mort : 19 novembre 1770—24 mars 1844.