Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/979

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle de Lœsten, près de quatre mille objets de même nature renfermés dans un coffret de bois. C’était probablement le fonds de commerce de quelque bijoutier de l’âge de pierre[1]. On a retiré de la tourbière de Lavindsgaard un vase en bronze dont le couvercle avait été cloué, renfermant onze vases en or repoussé au marteau, et dont les manches se terminaient en tête de cheval. Sans doute ils avaient servi aux cérémonies religieuses. Dans le pré marécageux de Nydam, qui fut jadis un bras de mer, on a trouvé un bateau de 25 mètres de long chargé d’armes magnifiques : épées damassées, flèches portant des runes magiques, couteaux, haches de guerre, boucliers, harnais, etc., tous brisés, tordus, hachés et mêlés à des ossemens de chevaux, dont les têtes montrent de longues et profondes entailles. Évidemment tout atteste qu’un grand sacrifice avait eu lieu sur ce point, et que le navire portant ces offrandes opimes avait été coulé à dessein.

Les marais du Danemark n’ont pas seulement conservé, souvent de la façon la plus remarquable, les objets qui leur étaient confiés. Ils les ont pour ainsi dire classés. Grâce au développement progressif de la tourbe, chacun de ces dépôts a gardé son rang d’immersion, est resté séparé de ceux qui l’avaient précédé et de ceux qui l’ont suivi. Ces marais sont ainsi devenus en quelque sorte des musées naturels où les couches de tourbe représentent les tablettes. Les marais à forêts (scovmoses) surtout ont à ce point de vue un intérêt exceptionnel. Généralement plus profonds, presque toujours moins étendus que les marais à prairies (kjaermoses) et les marais à bruyères (lyngmoses), ils se prêtent mieux que les uns et les autres à des études détaillées. Enfin la végétation forestière, qui leur a valu leur nom, porte avec elle des enseignemens spéciaux. Depuis longtemps, je les connaissais de réputation et me serais bien gardé de quitter Copenhague sans les avoir vus de mes propres yeux. Quelques jours après la clôture du congrès, M. Steenstrup voulut bien me servir de guide. Par une froide et pluvieuse journée de septembre, qui ne rappelait guère notre excursion au kjœkkenmœdding de Sœlager, nous partîmes en tête-à-tête pour les marais de Rudersdal. Chemin faisant, nous en visitâmes d’autres, et en quelques heures, grâce aux indications qui m’étaient données, je pus constater un à un tous les faits essentiels. On comprendra sans peine que l’intérêt de cette étude me fit aisément oublier la bruine et le froid, contre lesquels mon savant et aimable cicérone nous avait d’ailleurs ménagé des ressources.

Les scovmoses se présentent sous la forme d’excavations parfois

  1. Engelhardt, Guide illustré.