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se tenir des séances royales, bâtir tout exprès pour loger ses collections zoologiques, consacrer à la physiologie une maison entière pour laboratoire. Comment ne pas se rappeler le triste amphithéâtre où se passent nos plus grandes solennités universitaires, les étranges locaux où travaillent nos plus éminens physiologistes, et notre pauvre Muséum, toujours réduit à ces vieux bâtimens, la plupart accommodés tant bien que mal à un usage pour lequel ils n’avaient pas été faits, et dont on signale l’insuffisance depuis plus de trente ans?

Pour créer leurs collections zoologiques, anatomiques, physiologiques, les Danois ne pouvaient puiser qu’aux sources communes à tous les peuples. En fait d’antiquités locales, ils étaient au contraire placés dans des conditions exceptionnellement favorables. Nulle part les chambres sépulcrales de toute sorte ne sont plus nombreuses et plus riches en objets de diverses époques. Les Danois de tous les temps ont eu le culte des tombeaux. Qu’ils aient enseveli les corps intacts ou qu’ils en aient recueilli les cendres après les avoir brûlés, ils semblent avoir toujours placé à côté du mort ses effets les plus précieux, ses armes favorites ou de riches offrandes. Les habitudes des races qui se sont mélangées en Danemark, la nature du sol même, ont concouru au même résultat. J’ai déjà parlé des kjœkkenmœddings formés par les tribus de la côte, qui venaient à peu près régulièrement sans doute manger au même lieu les produits de leur pêche ou de leur chasse, et laissaient mêlés aux débris de ces repas des spécimens de leurs industries rudimentaires. Dans l’intérieur des terres, au milieu des champs, sous de larges pierres ou dans quelque vase grossier, on a trouvé fréquemment de véritables nids d’objets attestant une civilisation progressive. Dans l’îlot de Munko, près de Svendborg, on rencontra sous une pierre et entourés d’une terre noirâtre six vases d’or superposés trois par trois. On pourrait citer bien d’autres exemples. Peut-être s’agissait-il ici d’une simple cachette; mais souvent aussi ces dépôts apparaissent avec les caractères d’offrandes aux morts ou de rites religieux. Tel est celui de Ringe, où une simple bague, enveloppée d’une étoffe de laine, figurait au milieu de quelques ustensiles et de restes de bois carbonisés.

Toutefois ce sont surtout les pièces d’eau, les étangs, devenus aujourd’hui autant de marais et disséminés en grand nombre sur tout le sol du Danemark, qui recevaient ces tributs funéraires, ces offrandes à la Divinité. Aussi est-ce là que les savans de Copenhague ont fait leurs plus nombreuses et quelques-unes de leurs plus belles trouvailles. Dans le Jutland, la tourbière de Kœr a donné plus de dix-huit cents pièces d’ambre façonnées en grains et en pendans;