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du symbole inscrit sur ce diplôme ont été traduits par un éminent sinologue, M. Neumann. Ils valent vraiment la peine d’être reproduits, tant ils se rapprochent, par le tour général des idées et même par le ton et la forme, des manifestes analogues que nos réunions ouvrières ont publiés dans ces derniers temps. « La société fraternelle du ciel et de la terre, est-il dit dans ce symbole socialiste chinois, déclare hautement qu’elle se croit appelée par l’Être suprême à faire disparaître le déplorable contraste qui existe entre la richesse et la pauvreté. Les puissans de ce monde naissent et meurent comme leurs frères malheureux, les opprimés et les pauvres. L’Être suprême n’a pas voulu que des millions d’hommes fussent condamnés à être les esclaves d’un petit nombre. Jamais le ciel qui est le père, et la terre, qui est la mère, n’ont donné à quelques milliers de privilégiés le droit de dévorer, pour satisfaire leur orgueil, la subsistance de tant de millions de leurs frères. D’où vient la richesse des puissans ? Uniquement du travail et des sueurs de la multitude. Le soleil et ses doux rayons, la terre et ses inépuisables richesses, le monde et ses joies, tout cela est un bien commun qu’il faut enlever à la jouissance exclusive de quelques-uns pour que tous les déshérités en aient leur part. Enfin un jour viendra où la souffrance et l’oppression cesseront. Pour qu’il arrive, il faut s’unir et poursuivre sa tâche avec courage et vigueur. L’œuvre est difficile et grande ; mais, que l’on y songe, il n’y a pas de victoire, pas de délivrance sans lutte et sans combat. Des soulèvemens intempestifs nuiraient à nos projets. Quand la grande majorité des habitans des villes et des provinces aura prêté serment à l’union fraternelle, la vieille société tombera en poudre, et l’on bâtira l’ordre nouveau sur les ruines de l’ancien. Les générations heureuses de l’avenir viendront bénir les tombeaux de ceux à qui elles devront le bienfait d’être délivrées des chaînes et des misères des sociétés corrompues. » — Ces sociétés secrètes s’étendent dans tout l’Orient. Dans les possessions anglaises, où le gouvernement leur laisse toute liberté, elles se livrent à une propagande pacifique ; dans les îles de la Sonde, au contraire, où l’administration hollandaise croit devoir se montrer rigoureuse, elles ont souvent recours à l’assassinat politique. C’est un fait non-seulement curieux, mais grave, que de voir les idées socialistes répandues à l’extrême Orient parmi ces populations chinoises qui ont à un si haut degré l’esprit de travail, d’industrie et d’épargne, et qui d’ailleurs, disputant aux Européens les contrées non encore peuplées de l’Océanie et de l’Amérique elle-même, partagent avec nous la domination du monde entier. Rien ne saurait mieux démontrer l’erreur considérable de ceux qui regardent les idées socialistes