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ment à s’occuper pour voter le subside par lequel la confédération de l’Allemagne du nord doit concourir à ce travail, rival du percement du Mont-Cenis. Nos députés, il faut le dire, mettent un peu de temps à s’instruire et à connaître les affaires qui se passent en ce monde.

En réalité, il y a deux ou trois ans déjà que des négociations se poursuivent incessamment en Italie, en Allemagne, en Suisse, pour arriver à la réalisation de cette idée d’une communication nouvelle reliant le centre de l’Europe aux régions italiennes à travers les Alpes helvétiques. Seulement quelle direction centrale choisirait-on entre le chemin de fer du Brenner, au nord, et le chemin de fer du Mont-Cenis, qui est déjà presque terminé ? Passerait-on par le Splugen ou par le Saint-Gothard ? C’est autour de ce point capital que se sont agités longtemps tous les intérêts, et après bien des débats passionnés c’est définitivement à l’automne de l’année dernière que la Prusse, la Suisse et l’Italie en venaient à s’entendre ; elles signaient le 13 octobre 1869 à Berne un protocole qui fixait le Saint-Gothard comme point de passage, et qui ébauchait le plan de coopération des trois puissances. Deux jours après, l’Italie et la Suisse se liaient par un traité particulier auquel devaient adhérer tous les états intéressés, Bade, le Wurtemberg. Tout était prévu : la subvention des gouvernemens devait être de 85 millions, sur lesquels l’Italie avait seule à payer 45 millions, la Suisse 20 millions, la Prusse ou l’Allemagne 20 millions. C’est une portion de ce subside que le parlement fédéral de Berlin était récemment appelé à voter. Les cantons suisses à leur tour se sont déjà cotisés pour faire leur part de subvention. L’Italie n’a encore rien demandé à son parlement, mais elle dispose d’une somme votée par la ville de Gênes pour la traversée des Alpes, d’une contribution de la compagnie des chemins de fer de la Haute-Italie, et le ministère de Florence s’est adressé aux provinces pour les associer à cette œuvre, de façon à diminuer la charge de l’état. Il y a peu de jours encore, le conseil provincial de Milan, après une longue discussion, votait pour sa part une somme de 1 million, de sorte que la question est déjà fort avancée. Ce n’est plus, qu’on le remarque bien, une chose à faire, c’est une chose faite ; il y a des traités signés, des subventions convenues et votées ; tout cela s’est passé au grand jour, et si l’on devait s’en émouvoir, s’il y avait des considérations supérieures par lesquelles on pût se croire autorisé à combattre cette grande entreprise, c’est au moment où rien n’était fait encore qu’on aurait dû intervenir, ce n’est pas seulement aujourd’hui qu’il faudrait y songer. Nous ignorons encore la pensée du gouvernement, qui aurait peut-être mieux fait de répondre tout de suite et qui a préféré ajourner ses explications à la semaine prochaine. Il ne pourra certainement dire que ce que nous disons ici, c’est que le chemin de fer du Saint-Gothard est une de ces œuvres de l’industrie moderne qu’il n’est au pouvoir de personne de contrarier. Franchement quel droit pourrions-nous invoquer, et comment nous y