Voilà donc la grande partie engagée, et maintenant tout s’agite, tout se presse autour de cette urne bien gardée où est provisoirement enfermée la fortune de la France. Cette idée d’une solennelle consultation populaire, qui de prime abord n’était venue à personne, ou qui du moins n’était apparue que comme une vague et suprême chance dans des conjonctures extraordinaires, cette idée, la voilà en pleine réalisation, éclipsant et absorbant tout pour le moment, passionnant la nation française, étonnant l’Europe. En quelques jours, le sénat a expédié la constitution nouvelle, et le gouvernement s’est hâté de publier la formule du plébiscite. Après la proclamation de l’empereur à tous les Français est venue une proclamation ministérielle sous les dehors plus modestes d’une circulaire adressée à tous les fonctionnaires de l’empire, et à la circulaire collective a succédé une lettre sentimentale et politique de M. Émile Ollivier aux habitans du Var qui l’ont fait député. En face ou à côté du gouvernement, les partis s’interrogent et s’animent à la lutte, les comités s’organisent, la propagande sous toutes les formes assourdit la France. On dit oui, on dit non, on dit même oui et non à la fois ; ceux-ci veulent pousser le peuple au scrutin, ceux-là s’efforcent de le retenir dans l’abstention. Enfin nous sommes en plein vacarme de plébiscite jusqu’au 8 mai, jour où le sphinx populaire, prenant lui-même la parole, se chargera de dire le dernier mot de cette obscure et redoutable énigme qui s’appelle aujourd’hui la politique française.
Le drame est émouvant, fait pour susciter partout de patriotiques anxiétés, nous en convenons, et comme on avait hâte d’arriver au nœud de l’action, on a passé un peu par-dessus le prologue. Le prologue, c’était cette délibération du Luxembourg, qui avait pour objet de fondre la constitution ancienne et les réformes actuelles dans un sénatus-consulte marqué désormais du millésime du 20 avril 1870. Deux ou trois