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Quatre années se passèrent ; le marquis d’Argenson fut renversé par une intrigue de cour et eut pour successeurs M. de Puisieux, puis M. de Saint-Contest, qui n’étaient pas plus l’un que l’autre de taille ni d’humeur à tenir tête aux fantaisies du roi ou à le presser de questions importunes. Enfin en 1752 l’ambassade de Pologne devint vacante par la translation du marquis des Essarts à celle de Sardaigne, et, quand il s’agit de lui désigner un successeur, Conti fit observer au roi que, le moment d’agir pouvant arriver d’un moment à l’autre, il était temps que l’ambassadeur reçût communication du dessein secret et ordre d’y travailler. L’occasion paraissait d’autant plus naturelle pour mettre ainsi plus activement la main à l’œuvre que d’assez graves complications se préparaient en Pologne, auxquelles la plus systématique indifférence du cabinet français ne pouvait se dispenser de prêter un instant d’attention.

Pendant la guerre qui avait précédé le traité d’Aix-la-Chapelle, Auguste III, en qualité d’électeur de Saxe, avait, malgré quelques incertitudes, pris habituellement parti pour les deux cours impériales, qui l’avaient en retour toujours protégé ; mais la Pologne elle-même, dont il n’était que le souverain apparent, la république de Pologne, comme elle s’intitulait, ne s’était jamais crue astreinte à suivre la politique de son roi. Pendant que la Saxe s’engageait de plus en plus dans l’alliance austro-russe, la Pologne avait observé une neutralité très dangereuse pour elle (c’était s’exposer au mauvais vouloir de ses plus proches voisins), mais très utile pour la France et pour ses alliés, car ce vaste territoire, interdit à tous les passages de troupes, gênait surtout les mouvemens des armées du nord vers le midi. Dans la pensée d’une lutte nouvelle à laquelle tout le monde voulait se tenir prêt, les deux impératrices, Élisabeth et Marie-Thérèse, conçurent la pensée de changer cet état de choses, dont elles avaient reconnu l’inconvénient. De concert avec le roi et surtout avec son favori, le comte de Brühl, elles résolurent de faire un effort pour engager non plus la Saxe seule, mais la Pologne elle-même dans l’alliance offensive et défensive qui les unissait depuis longtemps l’une à l’autre, et dont un nouveau traité, conclu à Saint-Pétersbourg, venait de prolonger les conditions. La France apprit par une voie sûre qu’une proposition de ce genre allait être faite à la diète polonaise, et qu’elle serait appuyée par une faction puissante que la Russie avait su gagner à ses intérêts. L’intrigue était