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dans les grandes calamités publiques. Il faut donc renoncer à deviner les plans ou les calculs d’une population affolée par la terreur.

L’examen du sol fait d’abord reconnaître que les phénomènes volcaniques qui ont perdu Pompéi étaient les mêmes que ceux qui ont perdu Stabies. Les pierres ponces recouvrirent la ville jusqu’à 4 mètres de hauteur ; {unité|1|mètre}} environ de cendre plus fine s’y ajouta. 2 autres mètres de cendres et de débris carbonisés qu’on voit ensuite sont des dépôts produits par les éruptions postérieures du Vésuve. Puisqu’en 1822 il est tombé un pied de cendre dans les rues de Castellamare, Pompéi, situé dans la même direction et voisine du volcan, a dû le même jour en recevoir plus encore. Du reste, de minces filons de terre végétale et de petites coquilles terrestres apparaissent entre les couches plus récentes, et prouvent que la culture avait repris ses droits dès que l’action de l’air et de l’humidité avait rendu les cendres fertiles. Ce serait donc sous une épaisseur de 15 pieds seulement qu’une ville entière, dont les maisons avaient plus d’un étage, aurait été ensevelie, et qu’une partie de la population aurait péri ! Rien n’est moins vraisemblable, et il est évident que notre ignorance fait trop peu d’efforts lorsqu’elle simplifie à ce point le tableau. Une étude attentive est nécessaire pour analyser et pénétrer les causes de la mort d’un assez grand nombre de Pompéiens, de même qu’il faut une imagination patiente pour retrouver les traces de la destruction d’une cité qui n’a pas été aussi subite que nous le voulons croire. Nous ne nous occuperons aujourd’hui que des victimes ; les ruines auront leur tour.

Il y a cent vingt-deux ans que les fouilles de Pompéi ont commencé ; on estime que depuis ce temps l’on a retrouvé environ 600 squelettes. M. Fiorelli, dans un rapport adressé au gouvernement italien[1], constate qu’on en a recueilli 127 de 1846 à 1866, c’est-à-dire dans une période de vingt années. Comme les recherches ont été moins actives dans le siècle qui a précédé, il convient d’atténuer la proportion ; au lieu d’une moyenne de 10 squelettes par an, on peut prendre une moyenne de 4 à 5 squelettes, soit un peu moins de 500 squelettes. On obtient de la sorte un chiffre aussi rapproché que possible de la vérité. L’on n’a encore déblayé que les deux cinquièmes de Pompéi ; or, si dans ces deux cinquièmes on a constaté un total de 600 victimes, il est naturel que dans les trois autres cinquièmes on s’attende à en découvrir 900. En tout, 1 500 Pompéiens auraient péri, c’est-à-dire le dixième de la population, si on l’évalue à 15 000 âmes, — le huitième, si on la réduit au chiffre plus vraisemblable de 12 000.

Un tel désastre fournissait un vaste champ à l’observation. Si les

  1. Scoverte archeologiche fatte in Italia, del 1846 al 1866, in-8o, Naples 1867.