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personnes qui ont dirigé les travaux d’excavation à diverses époques avaient pris des notes exactes, il est impossible que la position des corps, le lieu où ils se trouvaient, l’état des ruines ou du sol, toutes les circonstances en un mot, ne continssent pas quelque enseignement. De même que les magistrats, quand un crime a été commis, portent leur examen sur tout ce qui entoure le cadavre et constatent les détails les plus futiles, parce que ces détails peuvent dénoncer tout à coup le coupable, de même les ingénieurs et les archéologues qui ont exploré Pompéi nous apprendraient beaucoup, s’ils avaient décrit avec soin chaque découverte de ce genre. Il n’en est rien malheureusement, et je ne saurais dire quelle a été ma déception lorsqu’à paru l’Histoire des antiquités de Pompéi[1]. M. Fiorelli avait eu la patience de copier les manuscrits qui avaient été rédigés depuis l’origine par les directeurs des fouilles ou les surveillans, car ils avaient l’habitude de constater jour par jour les découvertes faites par leurs ouvriers, et de dresser un inventaire des objets envoyés au musée de Portici. La publication de ces listes ou, si l’on veut, de ces carnets, si laborieusement préparée par M. Fiorelli, promettait les plus attachantes révélations. Dès l’an 1748, don Rocco Alcubierre, officier espagnol, puis Carl Weber, ingénieur suisse, plus tard Cixia, Corcoles, Perez-Conde, don Pietro la Vega, etc., concentrent entre leurs mains les rapports des agens qu’ils emploient. En faisant imprimer dans un ordre méthodique ces divers manuscrits, M. Fiorelli a rendu un nouveau service à la science, et il n’a pas dépendu de lui que ce service fût plus grand ; mais les réflexions des auteurs sont si brèves et leurs désignations si imparfaites qu’on voit qu’ils obéissaient aux règles de l’administration bien plus qu’au désir d’instruire la postérité. On constatait, on n’étudiait point ; on faisait des catalogues pour prévenir les vols ou les soupçons, on n’avait point souci de la curiosité des savans ; on comptait les objets comme les intendans comptent les meubles du château qui leur est confié, et on ne les décrivait point.

Les squelettes figurent parfois dans l’inventaire, mais sans qu’on y attache d’importance, et sous une forme qui varie peu. « Le… février 176…, on a trouvé : — or, une boucle d’oreille, trois monnaies ; — argent, une bague ; — bronze, deux vases, une fibule, un vase sans anse, une lampe ; — fer, un râteau, une serrure, un battant de sonnette, sept clous ; — verre, cinq carafes brisées, une bouteille, deux verres intacts, quinze boutons ; — ivoire, une aiguille, une plaque sculptée ; — os, un manche de couteau, un dé, un crâne avec des ossemens. » Cette énumération est plus ou moins longue, selon le nombre des objets ; le mot squelette est substitué çà et là

  1. Pompeianarum antiquitatum historia, in-8o, Naples 1860.