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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/34

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son côté[1]. Toutes ces recherches aboutirent au même résultat ; on trouva des maisons avec des portes, des fenêtres, des murs de séparation. Ces maisons étaient construites en blocs de lave non taillés, ajustés les uns sur les autres, comme les Pélasges ajustaient les blocs de rochers, avec cette différence seulement qu’ils étaient liés avec de la terre végétale, mouillée et pétrie comme un véritable mortier. L’intérieur des maisons et la toiture étaient munis de ce pisé pour écarter l’intempérie des saisons. On reconnut des restes de troncs d’olivier sauvage garnis de leur écorce, quoique consumés par le temps et tombant en poudre : c’étaient les supports de la toiture. Au milieu de certaines chambres, une pierre arrondie servait de base à la poutre qui faisait le centre sur lequel venaient converger les poutres de la toiture circulaire. Enfin, dans une des habitations, un squelette d’homme affaissé sur lui-même attestait la chute du toit qui l’avait écrasé ; les os étaient mêlés les uns avec les autres ; le crâne, seul reconnaissable, prêtera peut-être à quelques observations nouvelles et intéressantes pour la science ethnologique.

Nous ne ferons que citer les vases en terre cuite, faits au tour (quelques-uns contenant de l’orge), une meule pour broyer le grain, trois poids en lave dont la corrélation est manifeste, car ils pèsent 250, 750 et 3 000 grammes, des os de mouton, et enfin une pointe de lance en silex de 8 centimètres de long, une scie en silex (5 centimètres) d’une grande finesse, divers instrumens en silex ou en pierre obsidienne.

Voilà donc une ville primitive ensevelie tout à coup, en pleine activité, et sans pouvoir se prémunir contre le danger. Les hommes qui l’avaient bâtie avaient déjà des relations commerciales avec des navigateurs qui les visitaient, ainsi que l’attestent des matières que l’île de Théra n’a jamais dû produire, notamment deux anneaux d’or que les marchands phéniciens sans doute avaient échangés avec les denrées que produisait l’île. Le cataclysme volcanique peut être reporté entre l’an 1500 avant Jésus-Christ et l’an 2000. Qui nous dit qu’à cette époque le golfe de Naples n’a pas été le théâtre d’un semblable désastre ? Certes cet admirable pays a attiré les hommes aussitôt qu’ils ont fait leur apparition en Italie. Dès l’âge de pierre, ils ont dû se fixer sur ces bords fertiles et sous ce climat enchanteur qui leur épargnait les intempéries et les souffrances. Il n’y a rien de téméraire à affirmer que le pied du Vésuve était habité lorsqu’eut lieu la grande éruption qui a fait effondrer le cratère de la Somma. Dès lors, ce qui s’est passé dans l’île de Théra ou de Thérasia a pu arriver également, à quelques

  1. Voyez le rapport de M. Fouqué dans les Archives des missions scientifiques, t. IV de la nouvelle série, p. 223. Voyez aussi, dans la Revue des Deux Mondes, l’étude intitulée une Pompéi antéhistorique, 15 octobre 1869.