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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/343

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malheureux a cherché un abri dans le corridor qui mène au jardin, peut-être était-ce le jardinier, car il a été suivi par la chèvre favorite, sa clochette de bronze au cou ; enfin le 30 juillet 1774, le 21 octobre et le 5 novembre de la même année, d’autres victimes sont reconnues soit dans les habitations voisines, soit sur la voie publique : on a compté de ce côté plus de trente-trois cadavres. Il est évident que le faubourg de Pompéi a été le théâtre de grandes douleurs. Pris entre Pompéi, que secouait le tremblement de terre, Oplonte et Herculanum, qu’accablait un désastre plus effroyable encore, et le Vésuve, qui menaçait de tout ensevelir, les pauvres gens qui n’avaient pu ni monter sur des barques ni fuir à temps vers les montagnes de la côte opposée, attendirent éperdus une mort qui les poursuivait sous tant de formes. Ceux qui s’étaient réfugiés dans les celliers de Diomède périrent noyés ; ceux qui restaient au rez-de-chaussée, montaient aux étages supérieurs, ou couraient sur la couche de pierres ponces qui recouvrait la voie publique, furent asphyxiés la plupart par les gaz que leur pesanteur portait naturellement dans cette vallée, car la descente est rapide depuis les murs de Pompéi jusqu’à la maison de Diomède. Enfin le tremblement de terre fit le reste.

Si nous nous transportons par la pensée dans un autre quartier de la ville, du côté des bains découverts il y a dix ans et de la rue de Stabies, des révélations inattendues prêtent à notre enquête un intérêt tout à fait dramatique. On déblayait une ruelle qui était désignée alors sous le nom de vicolo del tempio di Augusto, et qu’on appelle aujourd’hui vicolo dei Scheletri. Le 5 février 1863, M. Fiorelli fut averti que les ouvriers avaient rencontré une cavité au fond de laquelle apparaissaient des ossemens. Inspiré par un trait de génie, car, si simple que fût l’idée, personne ne l’avait eue avant lui, M. Fiorelli arrêta les travaux, fit délayer du plâtre qu’on laissa couler dans cette cavité et dans deux autres qu’on avait observées plus loin. Lorsqu’elles furent remplies et que le plâtre eut eu le temps de se durcir, on enleva avec précaution la croûte de cendres, et l’on vit les moulages de quatre cadavres aussi exacts que des moulages faits d’après des statues : un homme, une femme, deux jeunes filles, dont l’une était presque un enfant, avaient été foudroyés sur la voie publique, et reposaient sur la couche de pierres ponces qui recouvrait déjà la rue de 4 mètres d’épaisseur. Évidemment ils avaient attendu la fin du déluge de pierres, cachés dans leurs maisons. Aussitôt que cette grêle avait fait place à une pluie de cendre fine plus supportable, ils étaient sortis par les fenêtres ou par les terrasses, et s’étaient acheminés péniblement à travers les ténèbres sur un sol mobile où leurs pieds s’enfonçaient. Tout à coup ils ren-