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contrèrent une colonne de gaz sulfureux ou de gaz acide carbonique, et tombèrent asphyxiés. La mort fut subite, la cendre recouvrit leurs cadavres encore chauds, et modela leurs contours.

Plus tard, en 1868, M. Fiorelli put renouveler cette opération sur un corps trouvé dans une chambre de la maison de Gavius Rufus, à gauche de l’atrium. C’était un homme ; malheureusement il était étendu sur les pierres ponces, dont les aspérités et les interstices sont rebelles à l’empreinte. Tombé sur la face, il ne montre aujourd’hui qu’une tête provocante et terrible, presque entièrement dépouillée de chair, les dents serrées. Ses deux mains crispées paraissent étreindre encore le sol et s’y enfoncer pendant une dernière convulsion. L’agonie a été douloureuse ; elle a une éloquence cruelle, on y croit assister. Le cadavre est en grande partie nu, du moins la tunique est remontée pendant la lutte suprême, et s’est enroulée sur le dos. La jambe droite, seule reproduite par le moulage, est nerveuse, tendue, bien faite. Une bague de cuivre est encore passée au petit doigt de la main.

Les quatre cadavres découverts en 1863 sont mieux conservés, parce qu’ils reposaient sur la cendre et non sur les pierres ponces. Le premier est celui d’une femme tombée sur le dos. Bien que ses traits soient peu distincts, on reconnaît qu’elle a souffert et qu’elle a été étouffée. Son visage cherche l’air, et sa tête semble se soulever vers le ciel. La main droite crispée s’appuie sur la terre ; le bras gauche veut repousser un ennemi invisible ; tout annonce la suffocation. Une tresse de cheveux forme une couronne autour de la tête. La poitrine est maigre ou plutôt aplatie, comme il est naturel chez une personne renversée sur le dos, et dont les seins sont pressés par une couche de cendres plus lourde d’heure en heure. Les manches de la tunique s’attachent par des courbes harmonieuses ; mais les doubles boutons de verre qui retenaient chaque arc de cercle sont tombés quand l’étoffe a été consumée par le temps[1]. Pour mieux fuir, la malheureuse avait relevé ses vêtemens, qui forment un paquet sur le ventre et font paraître la taille et les hanches plus fortes. On dirait même, au premier aspect, qu’elle est enceinte. Les cuisses sont recouvertes d’une étoffe fine qui constitue un véritable caleçon. Ce qu’on avait cru remarquer sur les empreintes du souterrain de Diomède devient ici un fait certain. En y réfléchissant, le costume antique était si transparent chez les femmes, si court chez les hommes, si sujet aux accidens de la vie en plein air, que le caleçon ou un équivalent étaient nécessaires pour que la pudeur ne fût pas à chaque instant blessée. La sculpture n’avait point à

  1. On sait qu’on retrouve à Pompéi des milliers de boutons de ce genre.