et Legaspi en prirent possession au nom de l’Espagne. Les points qu’ils occupent sont entourés de peuplades hostiles, moins audacieuses, il est vrai, et plus faciles à vaincre, mais qui cependant commettent de fréquentes agressions contre les indigènes soumis. De temps à autre, le capitaine-général des Philippines demande à Madrid l’autorisation de punir ces actes de violence. Une colonne de troupes pénètre sur le territoire ennemi, y fait une razzia plus ou moins étendue, et rentre dans ses retranchemens presque toujours victorieuse, quelquefois cependant vaincue et décimée. Une période de repos plus ou moins longue est le fruit de la victoire, mais la conquête n’avance pas.
Au mois d’avril 1866 se préparait une de ces razzias contre les Moros[1] du Rio-Grande, coupables du meurtre d’un certain nombre de chrétiens. Le commandant de la station navale des Philippines, contre-amiral don Francisco Pavia, quittait Manille à la même époque sur la corvette Narvaez, pour faire une tournée d’inspection dans l’archipel. Sa présence à Mindanao devant coïncider avec ce coup de main, il emmenait à son bord quelques officiers qui avaient reçu l’ordre de rejoindre les troupes déjà réunies à Mindanao.
Le 27 avril, après deux jours de navigation, au moment où la corvette Narvaez laisse derrière elle les trois îlots Zapato-Mayor, Zapato-Menor et Chinela (grand soulier, petit soulier et pantoufle), nous apercevons la côte de Panay, la première des Bisayas. Cette île comprend trois des trente-quatre provinces des îles Philippines[2], à savoir Cápiz, Antique et Iloilo. Après en avoir doublé la pointe nord-est, on s’engage dans un labyrinthe d’îlots aux formes pittoresques et couvertes d’arbres magnifiques, puis on pénètre dans le détroit qui sépare Panay de l’île plus petite de Guimarás. Au point le plus resserré du détroit. Là où il forme un port bien abrité, est situé Iloilo, chef-lieu de la province de ce nom.
L’arrivée de l’amiral met toute la population en émoi, et nous débarquons au milieu d’une flottille de pirogues pavoisées, montées par une foule d’Indiens qui se tiennent debout pour mieux nous voir. La musique indigène de l’endroit, vêtue d’uniformes surannés, est aussi debout dans une pirogue, et son empressement à ouvrir la marche l’expose à vingt abordages qui manquent de jeter à l’eau pêle-mêle les musiciens, leurs trombones et leurs gigantes-