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bénéfices. Il n’a cessé de le pratiquer depuis lors, et il est arrivé à la fortune ; il a élevé d’une manière incontestable la position de ses ouvriers, et il s’est livré à une propagande active en faveur du régime dont il a été le fondateur. Trente ans de succès, le mérite rare d’avoir conduit à bien une tentative que beaucoup pouvaient croire désespérée, ont valu à M. Leclaire une réputation presque européenne. Au début, il avait eu à traverser une période difficile : le gouvernement de juillet avait contrarié ses projets en lui refusant l’autorisation de réunir ses ouvriers pour leur expliquer ses plans; quelques années après, la révolution de 1848 était survenue. L’œuvre de M. Leclaire a surmonté heureusement tous ces obstacles, elle est aujourd’hui consacrée par une prospérité continue et croissante. C’est qu’elle a son appui d’un côté dans la valeur de l’homme qui l’a conçue et dirigée, de l’autre dans la nature des choses et dans les conditions spéciales de l’industrie à laquelle elle s’applique. Une exacte observation de la pratique de son métier avait appris à M. Leclaire qu’en excitant le zèle des ouvriers peintres l’on peut obtenir un supplément de produit de 75 centimes par tête d’ouvrier et par jour, savoir : 50 centimes par une plus grande activité de travail, 25 centimes par l’économie de la couleur et le soin des ustensiles ; la maison occupant 300 ouvriers, c’était une somme de 225 francs par jour ou de 70,000 francs environ par an que l’on pouvait encaisser comme surcroît de bénéfices nets, si l’on parvenait à stimuler l’ardeur et l’attention de la main-d’œuvre. Pour arriver à un pareil résultat, M. Leclaire ne vit d’autre moyen que de s’associer ses ouvriers dans une certaine mesure et de leur distribuer une large part de ses profits. la première année (1842), il leur répartissait ainsi 12,200 fr., la seconde année plus de 17,000 fr, la troisième année, le dividende dépassait 18,000 francs et ne cessait de croître depuis lors. Quelle est maintenant l’économie du système? Les bénéfices nets se divisent en trois parts : 50 pour 100 sont distribués individuellement aux ouvriers, au prorata du travail de l’année, proportionnellement au traitement ou au salaire de chacun d’eux; 25 pour 100 sont versés dans la caisse des pensions viagères; 25 pour 100 sont attribués au patron directeur, qui reçoit en outre un traitement fixe de 6,000 francs. Les ouvriers se partagent en deux catégories, les associés et les auxiliaires. Les premiers sont élus par l’assemblée générale, ils doivent connaître parfaitement leur métier et savoir lire ainsi qu’écrire; ils sont aujourd’hui au nombre de 90, soit environ le tiers du personnel. Les simples auxiliaires, qui ne touchent pas de dividende, reçoivent en compensation un supplément de paie de 50 centimes par jour. Les versemens considérables faits depuis près de trente ans à la caisse des secours mutuels et prélevés sur les bénéfices de l’établissement ont