Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cure. Probablement votre médecin est de la vieille école, il ne connaît pas les procédés de la percussion. Vous paraissez incrédule, mademoiselle ; eh bien ! nous en reparlerons l’année prochaine, car, si vous retournez dans votre pays cet été, vous ferez bien de venir encore passer le prochain hiver ici.

Nous eûmes un débat très vif, et je pris avec feu la défense de mon vieil ami le docteur. N’est-il pas étrange de voir une malade réfuter le médecin qui lui promet sa guérison ? Hélas ! serait-ce un bienfait pour moi ? ne serait-ce pas plutôt une nouvelle servitude après ce court rêve de liberté ?

J’ai écrit en sa présence à notre médecin pour lui demander de me venir en aide contre cette espérance de vie qu’on fait luire devant mes yeux.

Au petit jour, nous sommes partis. Le domestique était réveillé, Morrik dormait encore. Je jetai ma lettre à la poste en passant et priai le docteur de n’en parler à personne, surtout à Morrik, avant que j’eusse une réponse. Il le promit en riant et m’accompagna jusqu’à ma porte. J’étais tellement oppressée en montant l’escalier que bien certainement je le monterai bientôt pour la dernière fois.

Les montagnes sont encore dans l’ombre. Le temps est couvert, et quelques flocons de neige commencent à tomber. Ma chambre est très chaude, le petit poêle a fait son devoir. Si je pouvais dormir ! C’est trop pour une pauvre invalide comme moi d’avoir à subir tant de secousses diverses.

Le 20.

Hier, je suis restée à la maison. J’ai promis fort légèrement au médecin de ne pas sortir sans sa permission. Il prétend que l’honneur de la science exige que je ne donne pas le moindre démenti à son diagnostic. — D’ailleurs, ajouta-t-il, cela vaut mieux pour notre ami.

Ce matin de bonne heure, il est venu me voir. Dieu soit loué, il m’apportait d’excellentes nouvelles, Morrik n’a plus besoin que de beaucoup dormir.

La pluie et la neige me rendent ma prison assez supportable ; j’y resterais bien encore toute la semaine. Je n’ai pas la moindre envie de voir du monde. Une certaine anxiété me tourmentera tant que je n’aurai pas la réponse de mon vieux médecin. Je ne saurais quelle figure faire devant les hommes : celle d’un voyageur qui, après un instant d’arrêt, va reprendre son bâton pour s’en aller, ou bien celle de quelqu’un qui veut séjourner et vivre au milieu d’eux ? Il me semble qu’on me regardera comme une vagabonde dont le