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REVUE DES HOMMES.

marquer que les travaux étaient assez récens, parce que là jadis s’élevait un bois touffu qu’il avait fallu abattre. On passa ensuite dans une maison dont on avait dégagé quatre chambres ; comme ces chambres avec leurs peintures étaient intactes, on s’était arrêté à deux palmes (27 centimètres) au-dessus du sol, ce que l’on fait toujours à Naples lorsqu’on prévoit l’arrivée de quelques personnes de distinction. Dès que l’empereur parut, des ouvriers enlevèrent rapidement ce qui restait de pierres ponces, et l’on recueillit une feuille d’argent avec des figures en léger relief, des vases de bronze, un moule pour la pâtisserie, cinq gonds, une serrure, neuf monnaies, une clé, un morceau de tuyau de plomb, un vase de verre dont le bord seul était brisé, deux boutons de verre, cinq morceaux de flûte (lisez cinq charnières), une plaque d’ivoire sur laquelle était gravé un ornement, deux plats en terre, une lampe, une tête de Jupiter en terre cuite, quelques débris de talc (c’étaient les vitres du temps), d’autres objets d’importance moindre encore qui sont mentionnés dans l’inventaire du 7 avril[1]. L’empereur doutait ; il croyait qu’on lui avait préparé cette surprise ; son expérience lui rappelait qu’on trompe d’autant plus volontiers les souverains que c’est pour leur plaire ; il fallut lui prouver par la situation des objets, la qualité des terrains, la relation des trouvailles faites journellement, qu’on n’avait point « flatté sa fortune » (adulare la fortuna). En effet, dans les deux chambres suivantes, on ne trouva qu’un squelette et deux monnaies. De là on passa au théâtre, dont une partie de la scène était seule visible : l’épaisseur des cendres qui remplissait tout le reste était telle, que Joseph II ne put s’empêcher de demander combien d’ouvriers étaient employés et de s’écrier, en entendant qu’ils étaient trente, qu’il faudrait en employer trois mille. Cette critique était juste, car le roi des Deux-Siciles ne dépensait guère que 8 ou 10 000 livres par an pour les villes du Vésuve. L’Odéon, à peine reconnaissable, le temple d’Isis, donnèrent lieu aux mêmes regrets, et l’empereur ne cessa de presser le roi de prendre plus d’intérêt à de tels travaux ; ses instances devinrent presque de l’indignation quand, à la porte de la ville, La Vega lui montra le plan des édifices qu’on avait explorés, puis recouverts. Ferdinand IV répondit que cela s’était fait sous le règne de son auguste père, et l’ingénieur vint au secours du roi en assurant que l’on avait agi avec cette négligence tant qu’on ignorait quelle ville on dépouillait, mais que depuis six ans l’on savait avec certitude que c’était Pompéi, et que dès lors les monumens découverts avaient été respectés et demeuraient accessibles.

  1. Pompeianarum antiquitatum historia, t. I, p. 228.