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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/656

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trait à la charge de l’état pour en faire une vaine libéralité à des gens qui n’en ont pas besoin, seraient employés d’une manière bien plus efficace à améliorer le sort des instituteurs, à élever des maisons d’école dans les 600 communes qui en sont encore dépourvues et à multiplier les écoles de hameau, créées par la loi du 10 avril 1867. La dernière statistique constate, et cela est facile à comprendre, que les départemens où les écoles sont le moins nombreuses et le plus difficiles d’accès figurent pour une large part dans le contingent des 440,000 enfans qui restent privés de toute instruction. La gratuité absolue aurait-elle pour effet de rendre les routes plus faciles et les distances moins longues ? Où donc trouver un remède à l’indifférence des parens, à l’irrégularité des élèves et à l’éloignement des écoles ? C’est dans un régime qui, après avoir multiplié sur tout notre territoire et mis à la portée de tous les moyens d’acquérir les connaissances élémentaires, rendrait l’instruction obligatoire.


III

L’obligation et la gratuité de l’instruction primaire ne sont pas solidaires l’une de l’autre. On peut même affirmer avec quelque raison que ces deux termes se contredisent. Pour être conséquent avec soi-même quand on croit que le père de famille doit donner l’instruction à ses enfans, il faut reconnaître qu’il doit la payer quand il le peut. C’est ainsi que les Anglais entendent l’instruction obligatoire, c’est ainsi qu’elle est pratiquée dans presque toute l’Allemagne et dans une partie de la Suisse, c’est ainsi enfin qu’elle est réclamée par un grand nombre des membres de la ligue de l’enseignement, qui créent en ce moment une vaste agitation légale autour de la question de l’instruction obligatoire. Et ce n’est pas d’aujourd’hui que s’est produite l’idée de faire reconnaître et sanctionner par la loi le devoir sacré du père de donner à son enfant la somme de connaissances nécessaire à tous. Si nous la voyons appliquée avec succès autour de nous en Suède, en Allemagne, en Suisse, aux États-Unis, si elle va bientôt étendre ses bienfaits sur l’Angleterre, il y a longtemps que la question est posée chez nous, et que l’obligation de l’instruction primaire y a recueilli des adhésions importantes. Aux états-généraux de 1560, elle était réclamée en ces termes dans l’article 12 du second cahier de la noblesse : « levée d’une contribution sur les bénéfices ecclésiastiques pour raisonnablement stipendier des pédagogues et gens lettrés en toutes villes et villages pour l’instruction de la pauvre jeunesse du plat pays, et soient tenus les pères et mères, à peine d’amende, à envoyer lesdits