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réel de ceux qui les ont commises, et, pour n’en citer que quelques-unes, le Sentier et le Coin de gazon par MM. César et Xavier de Cock, l’Effet de lune par M. Wahlberg, les Bruyères par M. Ortmans, le Soir par M. Flahaut, le Chemin près de Bannalec par M. Bernier, auraient gagné beaucoup à être exécutés dans de moindres dimensions, à se réduire par exemple à celles qu’ont choisies M. Papeleu et Mme Collard pour peindre, l’une son charmant Verger, l’autre ses deux jolis Effets de soir à Saint-Raphaël. M. Ségé lui-même, qui dans ses deux paysages bretons a renouvelé cette année les preuves de solide talent qu’il avait déjà données l’année dernière, M. Renié dans son Plateau de Belle-Croix, M. Rapin dans deux études du Ravin de Grotte, empreintes d’ailleurs d’un sentiment de la nature très délicat, — ces artistes et d’autres encore n’auraient-ils pas montré tout aussi bien leur habileté et mieux contenté le goût, s’ils avaient adopté pour leurs travaux des cadres moins vastes, plus conformes par conséquent aux caractères modestes des sujets ? Chacun sait les progrès accomplis de notre temps dans l’ordre du « paysage-portrait, » comme disait dédaigneusement Valenciennes, et le nombre des talens qui remplacent aujourd’hui l’ancienne école : il ne faudrait pas toutefois qu’après avoir supplanté les gens, on en vînt à s’approprier leurs défauts, et que, sous prétexte d’achever la réforme, on se contentât de substituer à la fausse majesté du paysage académique une emphase d’un autre genre, — l’expression affectée ou délayée à l’excès de la réalité familière.

En regard des peintres qui se bornent à copier textuellement ce que leur offre la nature, plus d’un paysagiste cherche et réussit à concilier le style avec cette véracité pittoresque exigée aujourd’hui par l’opinion plus impérieusement que jamais. Une Fontaine près de l’Ariccia par M. Anastasi, le Souvenir de la campagne de Rome et Castel-Fusano par M. Jules Didier, les Chênes verts et le Palais des papes à Avignon par M. Paul Flandrin, appartiennent à la classe de ces œuvres ingénieusement éclectiques, et résument avec beaucoup de talent une doctrine dont la toile intitulée par M. de Curzon Au bord de l’Océan est aussi un des spécimens les plus distingués. Peut-être même faudrait-il voir dans ce poétique tableau le meilleur paysage du Salon, si les terrains du premier plan n’altéraient un peu par leur apparence conventionnelle l’unité et la vérité de l’effet. Il y a dans ces terrains faits de pratique quelque chose qui sent l’atelier et l’école, tandis que ces grands arbres et ces broussailles aux feuilles roussies par les approches de l’hiver, cette mer blanchâtre sous un ciel tristement gris, tout, jusqu’à cette figure de vieille femme mélancolique et oisive comme la nature qui l’entoure, tout reproduit une impression reçue en face des réalités