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obéissance, tandis que ses mains energiquement jointes, sa taille large, — trop large même, — ses jambes violemment reployées annoncent un corps capable de porter l’armure sans faiblir et de défier toutes les fatigues. Il y a dans le modèle exposé par M. Chapu la promesse d’un bon ouvrage. L’habileté de l’artiste à travailler le marbre, habileté dont un buste d’homme fournit cette aimée même un nouveau témoignage, achève d’ailleurs de confirmer cette promesse et d’en garantir la réalisation.

Comme M. Lepère, auteur d’une statue de Diogène dont le modèle en plâtre avait été justement remarqué au Salon de 1868, comme MM. Lequesne, Thomas, Maniglier, Ernest Barrias, d’autres encore qui ont envoyé à l’exposition de cette année des figures ou des bustes dignes d’éloges, tous les artistes que nous avons nommés jusqu’ici se sont formés à l’école de Rome. S’il fallait donc, au temps où nous sommes, opposer à certaines attaques irréfléchies un argument en faveur de cette grande institution, on le trouverait certes dans le nombre et la diversité des talens qu’elle produit, particulièrement dans le domaine de la sculpture. Le mot « diversité » pourra surprendre ceux qui, confondant l’uniformité des sujets avec la manière de les traiter, attribuent une physionomie commune à cette succession de personnages mythologiques, de héros nus ou de nymphes arrivant de Rome d’année en année, ou sortant à Paris des ateliers d’anciens pensionnaires. Il serait néanmoins facile de relever, ne fût-ce que dans l’exécution matérielle, bien des signes de dissemblance entre ces statues à peu près pareilles au premier aspect. Sous ces formes renouvelées de l’antiquité, on démêlerait sans peine une érudition retrempée dans la poésie moderne, un respect pour le beau classique vivifié, suivant le sentiment de chacun, par l’étude de la nature. Parfois même il pourrait arriver que, loin de se montrer trop dociles aux traditions académiques, les anciens hôtes de la Villa-Médicis n’en parussent conserver dans leurs œuvres qu’un souvenir au moins mélangé. Sans parler du groupe bien connu qui personnifie la Danse sur la façade du nouvel Opéra, la statue de Watteau et le buste de Mlle Fiocre, exposés cette année par M. Carpeaux, suffiraient, je pense, pour montrer jusqu’où peuvent aller les talens en humeur de s’affranchir, et combien est léger pour eux le poids de ces prétendues chaînes. Et cependant ceux-là même qui, comme M. Carpeaux, paraissent rompre le plus violemment avec les doctrines et les exemples imposés à leur jeunesse, n’ont garde d’oublier au fond ce qu’ils leur doivent. Ils savent que sans cet apprentissage à Rome, en face des grands modèles, ils n’auraient pu, le moment venu, agir dans le sens de leurs propres inspirations et trouver ailleurs que dans l’expérience acquise