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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/888

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absolument pas que son frère consolidât d’une manière quelconque le trône qu’il lui avait dressé. Cette déception, qui venait après tant d’autres, fut des plus amères pour Louis. Il pensa que sa dignité ne lui permettait pas de guerroyer sous les ordres de Bernadotte, et, laissant le reste de ses troupes à la disposition du maréchal français, il retourna en Hollande avec sa garde. De là il assista passivement ou à peu près à la continuation des hostilités. Un faible détachement hollandais, sous les ordres du brave major Cort Heyligers, reproduisant un des faits d’armes les plus audacieux de la vieille guerre de l’indépendance, lava la tache faite au pavillon par la défaillance momentanée du général Bruce en reprenant le fort de Bath par un coup de main nocturne des plus hardis. En octobre, les Anglais furent contraints d’évacuer Walcheren dans le plus triste état, ne remportant de leur expédition d’autre avantage que celui d’avoir inondé l’archipel zélandais de marchandises et de denrées britanniques. La population, qui en était sevrée, s’en donna à cœur joie, et le reste, qui était considérable, s’écoula dans l’intérieur par mille canaux secrets. En même temps la paix entre l’Autriche et la France était conclue à Vienne, et le 25 Napoléon rentrait à Fontainebleau, encore une fois vainqueur d’une formidable coalition.

C’est à la fin de cette année 1809 qu’eut lieu à Paris la réunion de souverains alliés qui jeta tant d’éclat sur la cour impériale, et fit un moment illusion à la France sur les maux trop réels et toujours grandissant du régime à outrance où s’égarait si tristement le génie de son dictateur. Les affaires d’Espagne allaient fort mal. Le public français, il est vrai, n’en savait rien, et les marchands d’Amsterdam, toujours instruits par leurs correspondans anglais, portugais et russes, devaient se livrer à d’étranges réflexions quand ils comparaient les nouvelles qui leur étaient transmises avec les interminables triomphes que le journal officiel du royaume enregistrait docilement d’après le Moniteur. Jusqu’à quel point les échecs de la politique napoléonienne en Espagne précipitèrent-ils l’exécution des desseins que l’empereur nourrissait contre l’indépendance de la Hollande ? C’est ce que, faute de documens, il est difficile de dire ; mais la coïncidence est frappante, et nous allons voir se dérouler une autre de ces tragi-comédies où se complaisait l’égoïsme à la fois brutal et rusé de Napoléon.

Il savait combien son frère était blessé de la dernière injure qu’il avait reçue. Son absence de Paris dans un moment où l’empereur avait réuni tout un cortège de souverains autour de sa personne eût produit un très fâcheux effet. De plus Napoléon s’apprêtait à consommer son divorce avec Joséphine, et il ne pouvait décemment le mettre à exécution qu’en présence et avec l’assentiment plus ou