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moins forcé de tous les membres de la famille impériale. Louis apprit donc indirectement que son frère désirait le voir à Paris. Il ne se souciait nullement d’y aller. Des bruits alarmans couraient de nouveau sur les intentions de Napoléon relativement à l’annexion d’une partie du territoire hollandais. L’armée française grossissait toujours en Belgique et dans le Brabant, et pourtant le départ des Anglais ôtait toute espèce de motifs à ce déploiement de forces. Ver Huell vint de Paris à Amsterdam pour presser le roi de se rendre aux désirs de son frère. Louis refusa encore en se plaignant de ce qu’on ne lui avait pas même adressé d’invitation en forme comme aux autres souverains. Peu de jours après, il en reçut une qui ne laissait rien à désirer pour la courtoisie des expressions ; mais en même temps des lettres de l’empereur que nous ne connaissons pas vinrent porter le comble à ses inquiétudes en lui notifiant qu’il devait absolument consentir à décréter dans ses états la conscription, la réduction des rentes, la parité des douanes françaises et hollandaises. Le roi consulta ses ministres, leur fit part de ses appréhensions, qui étaient telles qu’il parlait déjà de mettre Amsterdam en état de défense. Son ministre de la guerre Kraijenhoff, qui avait succédé à Janssens, fut seul de son avis. Tous les autres insistèrent pour qu’il se rendît à Paris. Louis leur représenta en vain qu’on allait sans doute lui imposer des exigences inacceptables. Ceux-ci lui montrèrent une confiance qu’au fond ils n’avaient pas, mais ils ne se sentaient pas en mesure d’obtenir du pays les efforts inouïs que supposait la seule attitude de la défensive vis-à-vis de la France. Il se décida donc à contre-cœur pour ce voyage, qui devait réaliser toutes ses craintes. Il fut entendu, tant il redoutait qu’on ne lui forçât la main, même au sens littéral de ce mot, que les ministres ne considéreraient comme authentiques et librement écrites que les lettres signées de lui qui se termineraient par quelques mots en langue hollandaise, et le 27 novembre 1809 il prit la route de Paris, où nous le rejoindrons pour raconter les derniers jours de son règne.


ALBERT REVILLE.