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étrangers, objets d’une juste colère, que des nationaux qui cherchaient à faire tourner cette colère à leur profit personnel. C’était moins un système qu’une étude pour savoir au juste comment s’enrichit un peuple qui s’abandonne à son génie, profite des élémens qu’il a sous la main, et ne mêle l’influence de l’état à aucun des arrangemens qui sont d’attribut particulier. Rien de plus à tenter comme revanche dès qu’on ne voulait pas ajouter une aventure de plus aux terribles aventures d’où l’on venait de sortir.

La recette qui a si bien servi dans ses premiers développemens la fédération formée le 4 juillet 1776 est des moins compliquées qui existent, et peut se résumer en quelques mots : pleine liberté d’action à tous les degrés et pour tous les ressortissans, liberté de l’individu comme citoyen et de l’état comme partie de la confédération, avec le moins de charges possible pour l’état dans la confédération et pour l’individu dans l’état. Ce qu’excluent ces termes un peu abstraits, c’est l’abus de la dépense ; ce qu’ils consacrent, ce sont les petits budgets, signe le moins équivoque d’une administration régulière. Ne les obtient pas qui veut ces petits budgets, et même aux États-Unis Thomas Jefferson eut à soutenir huit ans de lutte pour les défendre contre des entraînemens spécieux. Avec la meilleure foi du monde, beaucoup d’hommes politiques, et à leur tête Washington lui-même, inclinaient à amplifier les attributions fédérales au préjudice des attributions locales et à confondre les comptabilités en même temps que les services. On demandait une forte armée, une imposante marine, des chemins, des canaux communs à plusieurs états et qui comportaient une exécution combinée, tous motifs ou prétextes pour installer au cœur de la confédération une machine à grande puissance qui eût agi sur les états isolés et absorbé bientôt le plus net de leurs recettes. Avec une fermeté incomparable, Thomas Jefferson fit rentrer ces prétentions dans le néant, maintint les attributions dans leurs strictes limites, réduisit l’armée et la marine aux moindres proportions, décida que pour les voies de terre et d’eau chaque état exécuterait sur un plan d’ensemble les tronçons qui devaient le traverser, y emploierait ses agens et les paierait de ses deniers. Peut-être aurait-on ainsi des travaux moins symétriques, mais l’esprit de la constitution ne serait point mis en échec, et, au lieu d’affluer au cerveau, la vie circulerait régulièrement dans toutes les parties du corps fédéral. D’ailleurs il allait de soi que le pouvoir central aurait un budget assorti à ses fonctions, aucun gouvernement ne peut s’en passer ; mais ce budget serait des plus modestes et variable suivant les besoins : point ou peu de dettes inscrites, et dans ce dernier cas un prompt remboursement. L’Union américaine, comme une maison de banque