connaissent pas d’autre occupation que la culture de la terre, ils croient devoir abandonner une partie de leur ferme à chacun de leurs enfans. Quand un fils se marié, on ajoute une chambre à la maison paternelle, ou bien il se construit une hutte sur la parcelle que le père lui cède. A la génération suivante, la subdivision continue. La terre se morcelé ainsi de plus en plus, et les cultivateurs deviennent de plus en plus pauvres. Où il y avait d’abord une ferme d’une étendue convenable et un-fermier pouvant vivre à l’aise, on trouve, au bout d’un certain temps, le sol découpé en parcelles si petites qu’il est impossible de les labourer, un amas de huttes hideuses et un troupeau de malheureux plongés dans la dernière misère. Rien n’est plus frappant que les extraits de l’enquête de la Devon-commission reproduits dans le livre de lord Dufferin. Un fermier, dit M. Robert d’Arcy, a une bonne habitation, des étables, une grange et 20 acres de terre. Un de ses fils se marie ; il le loge dans la grange. Des enfans naissent, on ouvre une cheminée dans cette grange, et voilà une nouvelle demeure. Une fille se marie à son tour, le gendre vient demeurer dans la ferme ; on se dispute, il faut se séparer ; on lui construit une chaumière un peu plus loin, et rien ne les arrête jusqu’à ce que cette bonne ferme soit convertie en un foyer d’indigence abjecte. Les longs baux ont été funestes, dit M. King O’Hara, car sur mon domaine ils ont conduit à la plus désastreuse subdivision. En 1784 une ferme de 208 acres est louée très bon marché, 5 shillings l’acre, à un fermier. Il la divise entre ses trois fils ; ceux-ci la subdivisent en six portions, et aujourd’hui vingt-six familles y vivent. Une autre ferme de 78 acres est maintenant divisée entre seize familles. Ce qui amène un morcellement qu’on ne peut imaginer, c’est qu’à chaque partage chacun veut avoir une part dans chaque champ, afin de ne pas être moins bien loti que les autres. Le livre de lord Dufferin contient une carte qui montre bien cette effroyable subdivision. On y voit une terre de 205 acres, louée primitivement à 2 fermiers, divisée maintenant entre 29 cultivateurs et en 422 lots disséminés dans toutes les directions. Le morcellement tant reproché par les Anglais au code civil français n’est rien en comparaison de ceci, car, comme il se fait entre propriétaires, il n’a point pour effet de répandre le prolétariat et le paupérisme dans les campagnes.
La subdivision en Irlande a plusieurs causes. Il faut d’abord reconnaître que ce vœu des familles de rester groupées et d’exploiter ensemble la terre sur laquelle elles sont assises n’a rien que de très naturel. Toutes les tribus primitives ont fait ainsi. Les coutumes des différentes branches de la race aryenne faisaient droit à ce vœu en attribuant à chaque groupe un certain territoire, propriété commune répartie entre les familles en proportion de leurs besoins. Ce