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Il ajoute que plusieurs des membres du conseil devraient être indemnisés. » Ainsi se passent les choses dans la plupart des sociétés existantes. De cette manière, on peut étaler quelques profits apparens, 10 pour 100, 20 pour 100 même ; mais c’est là un véritable mirage. Il faudrait tenir compte de ces heures perdues pour le travail productif ou pour la vie de famille, il faudrait attribuer un traitement à ces employés volontaires ; autrement ces bénéfices sont illusoires, : beaucoup de gaspillage de temps et de ressources, c’est le bilan de la plus grande partie de ces associations. Dans quelques villes d’Angleterre seulement, elles ont pu réussir, il y a vingt-cinq ans, grâce aux circonstances toutes spéciales que nous avons fait connaître.

Les sociétés de crédit seront-elles plus heureuses ? Jamais il n’a existé de mot auquel on ait attribué une plus magique influence. Il semble que ce soit la pierre philosophale. Les économistes n’ont cessé de recommander à tous, spécialement aux classes ouvrières, la prévoyance et l’épargne ; mais ce sont là des vertus sévères qui rebutent au lieu d’attirer, ne pourrait-on les remplacer dans la pratique par un spécifique d’un emploi plus commode et d’un usage plus universel ? Des notions incomplètes de science financière, des bribes arrachées au langage de l’économie politique ou de la banque ont produit dans les classes laborieuses les plus fantastiques illusions. Dès l’abord, on a émis des axiomes comme le suivant : le crédit pour réaliser l’épargne et non pas l’épargne pour réaliser le crédit. Ce point de départ une fois connu, il est facile de deviner le point d’arrivée. Il y a eu comme une débauche de projets pour réformer le commerce à l’avantage des classes laborieuses. Déjà en 1804 on avait fondé une banque d’intervention patronnée par Monge et par Chaptal. En 1830, Buchez réclamait une banque populaire ; Proudhon la constituait après la révolution de février, l’on sait avec quel succès et pour quelle durée ! Tous ces plans ont revu le jour sur une échelle plus grande. L’on a constitué un crédit au travail qui a été le crédit mobilier des associations ouvrières, on a fondé des banques d’escompte. Ce n’est pas seulement la capacité directrice qui a manqué aux administrateurs, c’est beaucoup plutôt le champ même à exploiter. Il a fallu reconnaître qu’il est d’une souveraine imprudence de se livrer à ce que l’on appelle le crédit de commandite, c’est-à-dire de prêter à des associations ou à des particuliers les fonds nécessaires pour fonder des industries. Le capital de roulement est le seul qu’on puisse avancer sans péril ; encore doit-on y apporter beaucoup de réserve. Il est impossible de connaître à Paris tous les tanneurs, tous les tailleurs, la valeur réelle de leur papier. Il faudrait organiser tous les corps de métiers en syndicats ; mais il a été prouvé que, même en faisant des affaires avec