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est peu élevée, car le point culminant n’a pas plus de 780 mètres au-dessus du niveau de la mer ; mais elle suffit pour abriter le littoral contre les vents froids, et pour y maintenir une température uniforme et douce. C’est à elle qu’est due la réputation des nombreuses stations hivernales dont la côte est couverte entre Nice et Toulon.

La population de cette région est très rare, et la culture peu avancée. Dans une contrée aussi exposée à la sécheresse, les céréales devraient céder la place à la culture arbustive de la vigne et de l’olivier, qui donnent des produits supérieurs ; mais jusqu’ici rien n’a pu vaincre la routine des habitans, qui persistent à semer du blé malgré l’insuffisance des récoltes qu’ils en obtiennent.

Les montagnes sont en partie couvertes de forêts et de bruyères, dont la contenance est évaluée à 111,331 hectares, et dont les essences principales sont le chêne-liège, le châtaignier et le pin maritime.

Le chêne-liège, qui peuple, tantôt à l’état pur, tantôt mélangé à d’autres essences, de grandes étendues, est devenu récemment la source de fortunes considérables. Des spéculateurs espagnols ont affermé pour un certain nombre d’années les forêts de cette essence qui jusqu’alors ne donnaient que du bois de chauffage ; ils les ont exploitées en vue de la production de l’écorce et ont établi dans toutes les communes voisines de nombreuses fabriques de bouchons, qui donnent de très beaux bénéfices. Le prix du liège varie beaucoup suivant les qualités ; dans les terrains gras et profonds il est lâche et raboteux, et ne vaut alors pas plus de 22 francs les 100 kilogrammes ; dans les terrains rocailleux il devient ferme et élastique, et se vend jusqu’à 80 francs. On peut compter qu’en moyenne l’hectare de forêt peuplé de chênes-lièges, mélangés avec d’autres essences, rapporte annuellement de 40 à 50 francs.

Le châtaignier n’occupe dans le Var qu’une étendue de 3,841 hectares, il croît sur les versans des montagnes exposés au nord. Cette essence fournit des produits à tous les âges ; les jeunes brins coupés dans les éclaircies sont employés à faire des paniers ; à sept ans, ils donnent des cercles ; à quinze ans des échalas, des treillages, des piquets de clôture ; plus tard, ils sont façonnés en douves pour la tonnellerie. Les taillis sont exploités à trente ans et donnent un produit brut de 7,000 à,8000 fr. par hectare ; ce qui représente un revenu annuel de 250 fr. environ. Quant aux futaies qui sont cultivées pour leurs fruits, la valeur en varie suivant le nombre et la qualité des arbres qui les composent ; cette valeur peut s’élever à 4,000 francs par hectare produisant 1,300 kilog. de châtaignes par an, c’est-à-dire un revenu de 200 fr.

Le pin maritime, qu’on trouve quelquefois mélangé avec le pin d’Alep et le pin pinier, constitue la majeure partie du peuplement des forêts des Maures. Il croît rapidement, et dès l’âge de vingt-cinq ans il peut fournir des chevrons pour la bâtisse et des poteaux télégraphiques, après avoir été injecté de sulfate de cuivre ; à soixante ans, il est débité en planches qui servent à faire des caisses. Au milieu de ces essences principales végètent de nombreux arbustes qui constituent le sous-bois : ce sont la grande bruyère, qui s’élève jusqu’à 3 ou 4 mètres de haut, l’arbousier, l’ajonc épineux, le genévrier, le myrte, le lentisque, etc.