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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/152

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landwehr maritime, conviant les armateurs à transformer leurs navires de commerce en bâtimens de guerre. Il est difficile de dire aujourd’hui quel sera le résultat d’une semblable tentative et si elle est destinée à durer en se perfectionnant ; mais l’on sent dès à présent combien il importe de développer le nombre et le tonnage de nos vaisseaux de commerce. Les Allemands ont sur nous un avantage dans le fret de sortie : chaque année ils ont 100,000, quelquefois même 150,000 émigrans, qui forment un fret considérable pour Brême et Hambourg. Nous pouvons, par des mesures habiles et des tarifs modérés, détourner au profit du Havre une partie de ce courant. Ce qu’il faut surtout chercher à propager et à importer parmi nous, c’est l’étude et le sens du commerce, que nous négligeons tant, ce sont les initiatives hardies, les grandes entreprises, les mœurs laborieuses et persévérantes. L’ouverture et l’exploitation de débouchés nouveaux, l’abolition de règlemens vieillis, l’abandon des mœurs routinières, feront plus pour le maintien de notre grandeur navale que tous les sacrifices budgétaires.


II

Le principe que nous ne devons jamais perdre de vue, c’est que, dans l’état de civilisation où sont parvenus les peuples européens, le seul moyen d’être fort et victorieux dans la guerre, c’est d’être actif et diligent dans la paix. A cet égard, un peuple riche et industrieux a de grands avantages sur ses voisins qui le sont moins. Il y a bien des années qu’a été inventé ce dicton d’une vérité éternelle : « L’argent est le nerf de la guerre. » Il n’y a aucune combinaison qui n’échoue à la longue, si elle n’est soutenue par de bonnes finances. Les temps modernes n’admettent pas l’existence d’un peuple de Spartiates. En dehors des surprises, qui sont des exceptions dans l’histoire des guerres, il ne peut y avoir de succès définitif sans de considérables ressources pécuniaires. Autrefois les rois prudens amassaient de longue date un trésor pour suffire aux éventualités de conflits et de luttes avec leurs voisins. La Prusse, dans ces derniers temps, a encore suivi ce système suranné. Il ne convient plus à notre âge, où le crédit s’est perfectionné et propagé sous toutes les formes. Nous n’avons que faire sans doute de ces tirelires où les monarques versaient chaque année leurs économies pour accumuler un fonds de guerre. De bonnes finances et un puissant crédit, voilà ce qui est indispensable à une nation belliqueuse par tempérament ou par occasion. Sous le rapport des ressources pécuniaires, il n’est pas contestable que la France ait une réelle supériorité. Nous supportons d’une manière absolue des charges