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armemens. Cinq de ces navires furent vendus à des puissances neutres, la Prusse, la Suède et le Pérou. Quant au sixième, qui était l’un des deux cuirassés, l’armateur l’expédia en Danemark sous pavillon français, mais le gouvernement danois n’en voulut pas ; néanmoins ce bâtiment revint sous pavillon danois en vue des côtes de France, où il reçut des matelots, du charbon et des armes, puis il arbora le pavillon confédéré. Bloqué dans le port de Lisbonne par deux croiseurs fédéraux, il parvint à s’échapper à la faveur de la règle des vingt-quatre heures, et enfin, la guerre étant terminée, il tomba au pouvoir du gouvernement de Washington, qui le vendit fort cher au gouvernement japonais. Il est probable que c’est encore aujourd’hui l’un des plus beaux ornemens de la flotte du mikado. Le plus curieux fut que les États-Unis réclamèrent à l’armateur français une indemnité de 2,800,000 fr. comme compensation des dommages que ce vaisseau cuirassé avait causés au commerce américain.


II

Nous avons vu par quels moyens les rebelles, qui n’avaient au début ni flotte ni matelots, arrivèrent à se procurer des vaisseaux de guerre et à les armer, bien que leurs ports fussent bloqués par l’ennemi. Il nous reste à voir ce que devinrent ces navires à partir du moment où ils arborèrent le pavillon confédéré.

C’était, on s’en souvient, le 24 août 1862 que le capitaine Semmes avait pris le commandement de l’Alabama en vue des Açores. Après avoir croisé quelque temps dans ces parages, il s’approcha des. côtes de la Nouvelle-Angleterre et vint relâcher à la Martinique. Les autorités de la colonie le reçurent comme commandant d’un bâtiment de guerre porteur d’une commission régulière. Tandis qu’il était en relâche, le San-Jacinto, sous pavillon fédéral, vint se mettre en croisière devant Saint-Pierre, comme l’Iroquois l’avait fait pour le Sumter quelques mois auparavant. Cette manœuvre ne réussit pas. L’Alabama, qui était au reste un navire de marche supérieure, s’esquiva sans peine à la faveur de la nuit. En janvier 1863, on le retrouve devant Galveston, où il attaque et coule bas un bateau à vapeur fédéral de l’escadre du blocus, le Hatteras ; ensuite il se rend à la Jamaïque, où il jette l’ancre pendant cinq jours, se dirige vers les côtes du Brésil, et, franchissant l’Atlantique, il arrive en juillet 1863 au cap de Bonne-Espérance.

La guerre durait depuis deux ans. Il ne pouvait plus être question de traiter en pirates les bâtimens armés par le gouvernement de Richmond ; mais, en ce qui concernait l’Alabama, les fédéraux