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donneront des papillons exempts ou presque exempts de corpuscules. Les papillons sains ne donnent jamais un seul œuf, un seul ver corpusculeux, et en tolérant une faible proportion de papillons malades on est encore sûr que la récolte ne sera point compromise. La pébrine est d’ailleurs aussi ancienne que les éducations de vers à soie, elle devient seulement dangereuse lorsqu’on exagère sans la surveiller la production des graines. On s’explique ainsi pourquoi tel pays qui avait commencé par fournir d’excellentes graines a fini par des désastres, et pourquoi la multiplication des demandes a généralement conduit à l’avilissement de la qualité.

La seconde maladie étudiée par M. Pasteur est la flacherie. Elle a pour origine un ferment en chapelet de graines. Comme la pébrine, elle se transmet par l’hérédité, par l’inoculation et par les alimens. Très probablement la cause prochaine de la flacherie accidentelle doit être cherchée dans une fermentation des feuilles de mûrier absorbées par les vers ; pour la prévenir, il faut rendre les éducations précoces, éviter l’emploi de feuilles mouillées, modérer les repas, etc. La flacherie héréditaire est exclue, comme la pébrine, par la sélection de la graine ; un simple coup d’œil jeté sur les tables au moment de la montée suffit pour constater si parmi les vers il y a des morts-flats et s’il faut, pour cette raison, condamner une éducation.

Le procédé de grainage recommandé par M. Pasteur, lequel consiste à isoler les couples et à ne considérer comme bonnes que les graines fournies par des papillons sains, a déjà supporté l’épreuve d’une pratique étendue. Il peut fournir de 30 à 60 kilogrammes de cocons par once de 25 grammes, et, chose essentielle, il ramène la récolte de la soie aux conditions normales des meilleures époques en écartant un danger exceptionnel.

Cette conclusion est confirmée par un rapport que M. Pasteur vient d’adresser à l’Académie des Sciences sur les résultats d’une expérience en grand tentée dans l’une des propriétés de la Couronne (à Villa Vicentina, près de Trieste). Il s’était procuré 100 onces de graines obtenues par trois éleveurs qui avaient appliqué en 1869 son procédé de sélection, MM. Raybaud-Lange, Milhau et Gourdin, et ces graines, distribuées par petits lots entre les colons de la villa, ont fourni un produit total de 3,000 kilogrammes, c’est-à-dire 30 kilogrammes à l’once ; c’est une fois et demie le rendement moyen des bonnes années. En dehors de cette éducation industrielle, on avait employé 2 onces 1/2 de graine cellulaire à une éducation de reproduction ; ici la récolte dépassa 45 kilogrammes à l’once. Le rendement moyen aurait été encore plus élevé, si quelques colons n’avaient mal fait éclore leur graine. Une éducation faite en Italie par le docteur Chiozza lui a donné près de 68 kilogrammes de cocons par once.