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l’arrivée de milord Straford (porteur de l’armistice) pourrait vous jeter dans un embarras que je suis bien aise de prévenir par rapport à l’ordre que je vous donne d’aller attaquer et combattre les ennemis, s’ils font le siège de Landrecies. Les troupes anglaises sont placées de manière que, si elles demeuraient où elles sont présentement, elles couvriraient l’armée qui fait le siège. Il semble que vous ne pourriez attaquer les ennemis sans attaquer aussi le quartier des Anglais… Il faut, en ce cas, qu’après avoir passé l’Escaut, vous fassiez savoir au duc d’Ormond l’ordre que vous avez, le priant de prendre avec les troupes anglaises un poste plus éloigné, afin d’éviter avec ses troupes toute occasion de combattre, et ne rien faire à son égard qui fût contraire à la suspension d’armes, que je regarde comme réglée et convenue, quoique le traité n’en soit pas encore signé. Le duc d’Ormond ne pourrait se dispenser, dans le même esprit, de quitter son quartier ; mais, s’il ne le fait pas, vous ne laisseriez pas de continuer votre marche pour attaquer et combattre les ennemis, au hasard que les Anglais y fussent mêlés, parce que ce serait de leur part un manque de bonne foi, s’ils prétendent se servir de la négociation présente pour couvrir le siège de Landrecies et se mieux assurer de la prise de cette place, en mettant par leur seule présence mon armée dans l’impossibilité de la secourir. »

La suspension d’armes ne fut publiée que le 17 juillet, et le duc d’Ormond, à la tête d’un faible corps d’Anglais, se sépara du prince Eugène. Les troupes étrangères à la solde de l’Angleterre déclarèrent vouloir rester avec les coalisés, et reçurent leur solde des Hollandais, ainsi qu’il avait été convenu à Londres au mois de janvier. Plusieurs Anglais de distinction demeurèrent aussi auprès d’Eugène, et Dunkerque fut livré comme gage des promesses faites par le roi au cabinet britannique. Le maréchal de Villars, considérant le petit nombre de troupes que le duc d’Ormond détachait du prince Eugène (18 bataillons et 2,000 chevaux), trouvait la remise de Dunkerque d’un prix trop élevé pour le médiocre service que rendait le duc d’Ormond au point de vue des opérations militaires. Le prince Eugène demeurait aussi redoutable après la séparation qu’auparavant, et des renforts arrivés des bords du Rhin compensaient amplement la perte de la coopération anglaise.

On avait espéré cependant qu’après la retraite des troupes anglaises l’effet moral produit par cet événement empêcherait le prince Eugène de songer à de nouvelles entreprises. Il n’en fut rien, et ce prince, irrité de ce qu’il appelait la défection, voulant d’autre part relever le courage des Hollandais par un acte audacieux, enflé d’ailleurs par le succès qu’il avait obtenu au Quesnoy d’où il induisait la faiblesse de la résistance française, marcha