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pour un tel but que l’Angleterre payait 7 millions de livres sterling comme subsides de guerre ? Les combats de dix années, la polémique permanente des publicistes de la coalition, avaient eu pour objet proclamé le rétablissement de l’équilibre européen, et de cette longue lutte allait résulter cependant la destruction de cette balance politique si chère à la Hollande et si constamment soutenue par l’Angleterre. La passion pouvait souffler toujours la guerre, la raison conseillait dès ce moment la paix aux deux états coalisés. Devant l’opinion, leur politique était désormais faussée, si l’on persistait dans les voies suivies jusqu’à ce jour. Le parti whig était déconcerté ; l’intérêt de la maison d’Autriche et l’animosité des trois grands meneurs de la coalition restaient seuls au même point, tout le reste était changé par l’élection impériale de Charles VI. L’intérêt anglais était cette fois identique à celui du ministère tory. Aussi la propension pacifique du ministère fut-elle dès lors plu& ouvertement dessinée, et lord Bolingbroke résolut d’affronter hardiment la colère des whigs. Pour les esprits politiques indépendans de tout engagement de parti, l’impossibilité de maintenir la bifurcation qui existait dans la maison d’Autriche devait ramener l’Europe à reconnaître la monarchie de Philippe V, avec des précautions toutefois pour faire obstacle à l’ingérence de la France dans les affaires de la péninsule.

La coalition, d’abord si bienvenue à Londres, y perdit ainsi la faveur vers la fin de 1711 ; elle tendait à relever le colosse gigantesque d’une puissance impériale qui aux états héréditaires des Habsbourg, déjà prépondérans en Allemagne, aurait réuni la succession d’Espagne, c’est-à-dire la plus grande force continentale de l’Europe et la plus grande richesse coloniale du monde. Toutes ces raisons, qui enhardissaient le cabinet tory, ouvrirent les yeux à la partie éclairée de la nation anglaise, et, un nouveau parlement étant convoqué, la reine lui proposa la question d’une paix raisonnable, mais en la préparant en secret ; elle ne pouvait pas encore se séparer publiquement de la Hollande, où les esprits étaient indécis, et de l’empire, auquel des liens étroits la tenaient attachée. Pendant que son cabinet négociait, Marlborough était en campagne ; il avançait toujours en Flandre. En août 1711, il forçait les lignes de Villars, de Montreuil à Valenciennes ; en septembre, il prenait Bouchain, il s’avançait sur Le Quesnoy, et de là jusqu’à Paris, il semblait qu’il n’y eût plus aucun rempart à lui opposer.

Persistant dans son œuvre pacifique, le cabinet anglais avait fait écrire le 8 mai par l’abbé Gautier à M. de Torcy une lettre qui avançait la négociation. L’agent secret mandait au ministre français qu’il avait rendu le mémoire dont on l’avait chargé le