Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/685

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et par l’étude des caractères ostéologiques. Seulement l’illustre zoologiste, considérant comme la souche de notre espèce domestique le grand bœuf sauvage que César avait signalé, que les contemporains de Charlemagne avaient chassé, tomba dans une erreur, aujourd’hui pleinement reconnue. Nos bœufs sont venus de l’Asie ; malgré les conditions les plus favorables au développement du corps, ils conservent une taille très inférieure à celle de l’espèce sauvage, ils s’en distinguent à plusieurs signes et notamment à la direction des cornes. Se multipliant en liberté depuis trois siècles, dans les pampas de l’Amérique du Sud, ils ne manifestent aucune tendance à prendre les proportions ni les autres caractères de l’urus, qui n’a du reste jamais été soumis au joug de l’homme.

Postérieurement aux écrits de Cuvier, un professeur de Wilna, Bojanus, s’était procuré le squelette presque complet du grand bœuf des anciennes forêts de la Gaule et de la Germanie, et, croyant l’espèce fossile, il l’appela du nom, aujourd’hui généralement en usage, de bos primigenius. Dans les dernières années qui viennent de s’écouler, d’heureuses découvertes donnèrent bientôt l’espérance de parvenir à recomposer l’histoire de l’humanité antérieure aux temps historiques à l’aide des matériaux enfouis. Des recherches exécutées avec une extrême ardeur ont procuré une infinité d’objets qui ont jeté une lumière toute nouvelle sur la vie de l’homme et des animaux à l’époque dite préhistorique. Des restes du bos primigenius ont été recueillis en nombre immense dans des grottes, des dépôts de sable, des alluvions ; on en a tiré des habitations lacustres du lac de Constance, où quelques os avaient été travaillés et convertis en instrumens. Tout se trouve de la sorte bien éclairci au sujet du bœuf sauvage aux larges cornes. Le bos primigenius n’est autre que l’urus de César, de Sénèque et de Pline, le bubalus de Fortunat et de Grégoire de Tours, une espèce contemporaine des grands pachydermes et des grands carnassiers disparus longtemps avant l’époque historique, qui a continué de vivre au milieu des forêts de l’Europe centrale, pour être totalement exterminée par les hommes, il y a seulement huit ou dix siècles.

Le bison des anciens, qu’on appelle aujourd’hui l’aurochs, n’est pas tout à fait détruit, bien que sa disparition entière menace d’être prochaine. Il existe encore à l’état d’échantillon zoologique. On a pu le voir récemment dans quelques ménageries. Autrefois il était répandu dans la plus grande partie de l’Europe ; mais dès les temps historiques on ne le rencontrait plus que dans certaines régions. Sous le nom de bonase, Aristote le cite comme un animal de la Pœonie, c’est-à-dire de la partie de la Thrace qui est maintenant la Bulgarie, et il en donne une description assez exacte. Ce qui frappe surtout l’auteur grec chez le bonase, c’est le corps plus massif que