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marécageux, et les chiens les surprennent souvent, à cause qu’il leur faut beaucoup de temps pour s’élever de terre. Nous en vîmes un jour un à Rodrigue, et nous le prîmes à la main, tant il était gros ; c’est le seul que nous y avons remarqué, ce qui me fait croire qu’il y avait été poussé par le vent, à la force duquel il n’avait pu résister. Ce gibier est assez bon. » On avait bien cherché, sans réussir, à deviner ce que pouvait être le géant, l’habile naturaliste hollandais Schlegel a prouvé enfin que l’espèce était une sorte de poule d’eau d’un genre tout particulier, et en la nommant (Leguatia gigantea) il a voulu perpétuer le souvenir du fugitif protestant dont le malheur est devenu pour la science un bienfait.

Ce n’est pas tout encore : les ossemens d’un foulque beaucoup plus gros que celui d’Europe ont été retrouvés à Maurice, ainsi qu’un débris provenant d’un perroquet contemporain du dronte, de la taille des aras et des cacatoès ; un fragment d’un autre perroquet, maintenant détruit, a été rencontré à Rodriguez[1]. On est saisi d’étonnement en pensant à ce qu’était autrefois la richesse de la nature dans les îles Mascareignes ; des oiseaux magnifiques ou extraordinaires étaient la parure de ces terres comme égarées dans l’Océan, et au milieu d’un monde de créatures plus faibles ils semblaient être les souverains.

Il y a une trentaine d’années, une découverte des plus inattendues produisit une véritable sensation dans le monde scientifique : des ossemens d’oiseaux de proportions gigantesques venaient d’être recueillis dans des rivières de la Nouvelle-Zélande. Il n’en fallait pas davantage pour inspirer à des hommes instruits qui parcouraient le pays des Maoris le désir de pousser les recherches avec activité. On fouilla les cours d’eau, les marais, les cavernes, et bientôt les ossemens trouvés furent en quantité considérable. On avait le squelette entier d’un oiseau dont la taille approchait de celle de la girafe et celui de plusieurs autres espèces du même groupe offrant des dimensions inférieures. Ces pièces remarquables, parvenues entre les mains de l’éminent naturaliste de l’Angleterre, M. Richard Owen, ont été l’objet d’une suite d’études approfondies. Les oiseaux de là Nouvelle-Zélande, éteints depuis une époque sans doute très voisine de la nôtre, et que nous ne connaissons cependant que par des débris, ont été appelés les Dinornis ; l’espèce de la plus grande taille a reçu le nom de dinornis gigantesque (Dinornis giganteus.) Les explorateurs anglais rencontrant les os de dinornis dans le lit ou sur les berges des rivières, souvent mêlés avec les os d’animaux qui vivent actuellement dans le pays, ou avec ceux de l’homme

  1. Le foulque et le perroquet de Rodriguez ont été décrits par M. Alph. Milne Edwards, le perroquet de Maurice par M. Richard Owen.