quelques provinces. Les loups ne sont pas connus en Angleterre ; ne pourrait-on chez nous en faire aussi disparaître la race, au risque de chagriner les louvetiers ? Quoi qu’il en soit, on cessera de lutter à armes si évidemment inégales contre l’Australie, la Plata et le Cap. Ce n’est pas à dire pour cela que l’on ne fera plus nul compte de la production de la laine ; mais on la prendra pour sa valeur propre, et l’on s’attachera moins surtout à produire des laines fines, qui coûtent cher et sont mal payées, que des laines communes, qui, par un retour imprévu, offrent maintenant beaucoup plus de ressources et redoutent moins la concurrence coloniale. On cherchera en un mot à tirer du mouton le seul parti qui puisse être avantageux maintenant, et, si le gouvernement montre un réel souci des besoins de l’agriculture et de ceux du public, il fera en sorte que le renchérissement de la viande profite aux éleveurs plutôt qu’aux intermédiaires. Le décret du 25 février 1858, qui a proclamé la liberté du commerce de la boucherie, a été un progrès important sans doute ; mais il faut encore autoriser le colportage de la viande, il faut rendre au commerce des halles et marchés le régime du droit commun, faire disparaître le privilège du factorat, la vente à la criée obligatoire et toutes les dispositions qui empêchent les approvisionneurs d’adopter le mode de vente qu’ils préfèrent, ou d’employer des intermédiaires de leur choix. Ici, comme l’agriculture, le gouvernement a ses devoirs.
Ceci nous ramène à l’examen de l’opinion des personnes, assez nombreuses, qui, tout en partageant les idées que nous venons d’émettre sur la conduite qu’il convient aux cultivateurs de tenir, assignent en même temps au gouvernement un autre rôle, et lui demandent, pour soutenir ou encourager l’agriculture, d’établir, au moins pour un temps, un droit modéré sur les laines étrangères à leur entrée en France. Au lieu de nous faire payer, disent-elles, à nous, contribuables français, telle somme d’impôts sous telle forme ou sous telle autre, demandez à l’étranger cette même somme, et taxez ses produits de préférence aux produits nationaux. Par ce moyen, vous nous dégrèverez d’autant sans que le trésor en souffre. Voilà qui serait excellent, si le raisonnement était juste ; mais est-il bien vrai que ce soit l’étranger, en fin de compte, qui supporte l’impôt prélevé à la frontière ? Est-il bien vrai que, si l’Australie et la Plata paient 10, ou 15, ou 20 pour 100 lorsqu’elles feront entrer chez nous leurs laines, cela n’augmentera en rien les charges des nationaux ? L’hiver dernier, dans l’assemblée de la Société des agriculteurs de France, M. Pouyer-Quiertier, avec un art oratoire infini, plaidait cette cause des droits compensateurs (c’est, le terme nouveau qu’on a mis à la mode). Quelqu’un l’interrompît pour objecter qu’il parlait contre ses propres intérêts, et qu’à supposer que