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jour plus difficiles à renouveler, la saison rigoureuse qui s’avance, les dépenses et les pertes que chaque jour entraîne, tout fait une loi aux Allemands de se hâter, et nous devons nous attendre sous peu à des efforts aussi violens et précipités qu’ils ont été jusqu’ici faibles et mesurés.

Il est cependant d’autres manières de voir et de juger les choses. Ainsi l’on prétend que jusqu’à ce jour la conduite des Prussiens sous Paris tient à un plan de guerre qui consisterait à nous attirer loin de nos murs, hors de la protection du canon, et à nous amener par excès de confiance à livrer une grande bataille qui déciderait la question. Si ce plan est réellement celui de nos ennemis, je doute qu’il réussisse ; c’est un piège grossier et qu’il sera trop aisé à nos généraux de déjouer, et cela lorsqu’il est évident à tous les yeux que dans la saison où nous entrons chaque jour qui s’écoule, sans rien ajouter aux forces de l’ennemi, est pour lui une source d’affaiblissement et pour nous une étape nouvelle vers la délivrance.

Dans une autre opinion, la capitulation de Paris dépendrait de la quantité des vivres qu’il contient, et les Prussiens compteraient sur la famine et les dissensions qu’elle amènerait pour voir la ville ouvrir ses portes. Le problème étant ainsi posé, la solution se produirait en quelque sorte d’elle-même par le seul fait du blocus, l’ennemi n’aurait pas autre chose à faire que nous bloquer pour nous réduire. Cette hypothèse semble se justifier par les travaux des Prussiens, qui ne sont toujours encore que des travaux défensifs destinés à couvrir leurs positions principales et leurs convois, leur matériel et leurs approvisionnemens ; mais elle ne tient pas compte de l’esprit qui anime toutes les armées. Ne pas faire, si elle est possible, une tentative pour entrer à Paris de haute lutte, ce serait un aveu d’impuissance qu’il serait difficile d’imposer à des soldats victorieux. Ils feront donc cette tentative, ou, s’ils ne la font pas, c’est que les moyens leur manqueront. Ensuite qui est-ce qui sait exactement s’ils ont des vivres en si grande abondance qu’ils soient en mesure de nous prendre par la famine ? Cela aurait besoin d’être prouvé. Et, lors même que les Prussiens seraient mieux pourvus que nous, ne doivent-ils pas faire entrer dans leurs calculs les secours qui s’organisent et que nous attendons ? Tous ces raisonnemens ne résolvent cependant pas encore tout le problème. Ainsi, selon nous, les Prussiens ont, quoi qu’en ait dit M. de Bismarck, l’intérêt le plus évident à pousser vivement le siège, et, s’ils ont peu agi jusqu’à ce moment, c’est qu’ils n’ont sans doute pas encore pu réunir l’équipage de siège dont ils auraient besoin pour attaquer utilement ; mais, à notre avis, même s’ils avaient reçu cet équipage, les Prussiens, quelque nombreux qu’ils soient, n’ont pas assez de monde pour ouvrir la tranchée et commencer le siège réel. Ce point mérite considération.

En faisant la part aussi large qu’il est possible à la puissance de