Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/776

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’organisation militaire en Allemagne, il nous semble difficile d’admettre que l’ennemi ait pu faire entrer en France plus d’un million d’hommes. C’est un chiffre énorme qui dépasse toute croyance, mais duquel aujourd’hui nous ne devrions pas trop nous plaindre, car, s’il était exact, il comprendrait nécessairement, sur une population totale d’environ 38 millions d’âmes, une forte proportion d’hommes qui ont passé l’âge de faire campagne, dont par conséquent les fatigues et les maladies ont dû nous de faire depuis deux mois et demi que les hostilités ont commencé. Admettons cependant un million d’Allemands en France, combien y en a-t-il devant Paris ? Le général de Palikao vers la fin du mois d’août, avant les sanglantes batailles qui ont été livrées dans la vallée de la Meuse, évaluait déjà les pertes des Prussiens au chiffre de 200,000 hommes. Il est vrai que le général de Palikao oubliait de nous dire sur quoi il se fondait pour faire cette évaluation, et qu’elle ne peut pas nous inspirer une confiance absolue. Plus tard, c’est-à-dire vers le milieu du mois dernier ou vingt jours après, une lettre d’un officier prussien qui a été publiée dans les journaux affirmait que le nombre des morts ne dépassait pas encore 50,000 ; soit, mais 50,000 morts, cela représenterait dans les proportions ordinaires 200,000 hors de combat, tués, blessés, malades, disparus. Depuis lors il s’est écoulé un mois plein, dont chaque jour a dû apporter son contingent de pertes. Il faut défalquer en outre l’armée qui est devant Metz, et qu’un bulletin prussien de ces jours derniers portait au chiffre de 250,000 hommes. C’est beaucoup de monde sans doute ; pourtant il est aussi deux choses qu’il convient de ne pas oublier. C’est d’abord que Metz renferme l’armée du maréchal Bazaine, que l’on ne saurait évaluer à moins de 80,000 hommes, la fleur de l’ancienne armée impériale, que les nécessités de l’invasion font une loi de contenir à tout prix en immobilisant devant elle des forces infiniment supérieures. Le sort de l’invasion est attaché à cette question, et il ne saurait être livré aux chances d’une bataille douteuse ou d’une marche dérobée, car le chemin de fer qui assure aux Allemands leurs principales communications et qui leur apporte leur matériel passe sous les murs mêmes de Metz. À cette considération, il faut ajouter cette autre, que la place de Metz est, comme celle de Paris, couverte par des forts détachés dont la circonférence se développe sur une étendue d’une quarantaine de kilomètres, et que par conséquent ce n’est pas trop pour contenir le maréchal Bazaine dans ses positions d’une armée triple de celle qu’il peut toujours, à un moment donné et à son choix, porter sur un point quelconque de la périphérie dans le centre de laquelle on veut l’enfermer. À ces chiffres ajoutons les corps qui occupent les départemens de l’est, qui observent l’armée de Lyon, qui bloquent ou assiègent les villes non encore rendues, qui assurent les communications et protègent les convois entre Paris et la base d’opérations de l’ennemi. Enfin, puisqu’il s’agit spécialement de