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I

Au portail de plus d’une église du moyen âge, sur le pilier qui ordinairement sépare les deux portes d’entrée, on peut remarquer une large coquille en pierre qui semble placée là comme un lavabo rappelant les purifications que chaque fidèle devait faire avant de pénétrer dans la maison du Seigneur. Ce n’était point un bénitier, ainsi qu’on pourrait le croire ; c’était un berceau permanent destiné à recevoir l’enfant abandonné qu’on apportait furtivement pendant les dernières heures de la nuit et que l’on confiait à l’église, qui alors, remplissant le rôle de mère universelle, arrachait les accusés à la justice et recueillait les orphelins délaissés. A Paris plus que partout ailleurs, le nombre de ces pauvres petites créatures remises aux soins de la charité publique fut toujours considérable, et le dimanche, pendant les offices, les nourrices qui les avaient acceptées les exposaient à Notre-Dame dans une sorte de vaste berceau où l’on jetait des aumônes. On les appelait « les pauvres enfans trouvés de Notre-Dame. » Le premier acte qui en fait spécialement mention porte la date du 2 septembre 1431 ; c’est le testament par lequel Isabeau de Bavière, qui devait avoir une commisération particulière pour les enfans abandonnés, leur laisse une somme de 8 sols parisis. Plus tard, au XVIe siècle, les nourrices s’assoient devant la principale porte de la cathédrale sur une sorte de lit de camp garni de paille, et, tenant leurs nourrissons entre les bras, sollicitent pour eux la générosité des passans. C’est vers cette époque qu’une première institution sérieuse devient le point de départ du système qui, se complétant au fur et à mesure des progrès accomplis par la philosophie et l’économie politique, est devenu ce que nous le voyons aujourd’hui. En 1536, Marguerite de Valois, sœur de François Ier, ouvrit au Marais, près du Temple, dans la rue Portefoin, une maison spécialement destinée à recevoir les orphelins trouvés au parvis Notre-Dame. On les appelait d’abord les « enfans-Dieu ; » mais la couleur de leur vêtement les fit surnommer les « enfans rouges, » et le nom a subsisté jusqu’en 1772, époque où cet hospice fut supprimé.

L’exemple avait été donné, il fut suivi, et en 1545 le parlement attribua au logement de 136 orphelins, — 100 garçons et 36 filles, — l’hôpital de la Trinité, situé au coin de la rue Saint-Denis et de la rue Grénetat, et où les confrères de la Passion avaient joué leurs premiers mystères. Les pensionnaires de ce nouvel asile furent nommés les « enfans bleus ; » ils assistaient aux enterremens des personnes nobles, riches ou notables, et y recevaient quelques