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il chercha et recueillit les enfans qu’on abandonnait sous le porche des églises, sous le portail des hôtels, à l’angle des rues fréquentées, dans les jardins publics et sur les ponts. Il les établit dans une maison située près de la porte Saint-Victor ; mais là aussi les places étaient trop peu nombreuses, et l’on avait recours au sort pour déterminer ceux qui les occuperaient. Louis XIII et Anne d’Autriche s’intéressèrent à l’œuvre naissante, et de 1641 à 1644 affectèrent au nouvel hôpital une rente de 12,000 livres. La maison de la porte Saint-Victor étant devenue insuffisante, Vincent de Paul transporta toute sa vagissante colonie à la maison Saint-Lazare, qu’il venait de fonder dans le vaste enclos situé à proximité de la ville, en haut du faubourg Saint-Denis[1]. Malgré les efforts du fondateur, l’œuvre périclitait ; elle allait périr lorsque Vincent de Paul prononça, en 1648, devant les dames de la cour le sermon resté célèbre. « Or sus, la compassion et la charité vous ont fait adopter ces petites créatures pour vos enfans… Voyez maintenant si vous voulez ainsi les abandonner pour toujours ;… il est temps de prononcer leur arrêt et de savoir si vous ne voulez plus avoir de miséricorde pour eux. Les voilà devant vous. Ils vivront, si vous continuez d’en prendre un soin charitable, et, je vous le déclare devant Dieu, ils seront tous morts demain, si vous les délaissez… » L’effet fut si profond que séance tenante on souscrivit plus de 40,000 livres de rente au profit exclusif des enfans trouvés : l’œuvre était définitivement fondée. La reine-mère, voulant y concourir, lui abandonna le château de Bicêtre ; mais l’air y était d’une acuité redoutable, et les enfans mouraient comme s’ils eussent été frappés de contagion. On fut forcé de les ramener au faubourg Saint-Denis.

Par un arrêt du parlement rendu le 3 mai 1667, confirmé le 10 novembre 1668 et rappelant celui du 13 août 1552, la somme que les seigneurs justiciers devaient payer annuellement pour l’entretien des enfans trouvés de Paris fut portée à 15,000 livres ; de plus des lettres-patentes de juin 1670 érigèrent en hôpital la maison des Enfans-Trouvés et la firent entrer dans la grande institution qu’on appelait alors l’hôpital général. Cette mesure équivalait à ce que nous nommons aujourd’hui un décret en reconnaissance d’utilité publique. Dès lors l’établissement prospéra, et fut assuré de ne point périr faute de ressources, comme il en avait été si longtemps et si souvent menacé. Il était devenu assez considérable pour qu’on fût obligé de le dédoubler ; Saint-Lazare, exclusivement consacré au chef-lieu de l’ordre des lazaristes, avait été abandonné par les enfans pour lesquels on avait acquis en 1674, dans le faubourg

  1. C’est aujourd’hui la maison de détention pour les femmes.