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devient jusqu’à sa majorité le pupille de l’assistance publique. Pour reconnaître à première vue les enfans abandonnés et les enfans déposés, on leur donne jusqu’à l’âge de cinq ans un signe distinctif, qui est un collier. Celui-ci est en os, composé de 17 olives blanches, orné d’une médaille d’argent portant à la face l’image de saint Vincent de Paul, au revers le mot Paris, et un numéro d’ordre, qui est celui de l’inscription. Ce collier est destiné aux abandonnés ; il est de couleur bleue pour les garçons déposés, de couleur rose pour les filles : de plus, sur le revers de la médaille, au-dessus du numéro matricule, il porte le mot dépôt. Pour l’enfant abandonné, on prend une autre précaution : sur une fiche en parchemin, on écrit ses noms et prénoms, la date de sa réception, l’heure, le jour de sa naissance. Cet acte d’état civil, cousu entre deux rubans, tracé à l’aide d’une encre indélébile, est fixé à son bras pendant les premiers jours et est ensuite attaché à la première feuille de son livret distinctif. Le collier est d’invention récente ; autrefois on mettait aux enfans assistés des boucles d’oreilles d’une forme particulière, vieil usage barbare qu’on a bien fait de répudier, car il laissait pour toute la vie une trace que rien ne pouvait effacer.

L’hospice est très vaste ; la vieille maison des oratoriens ne fut plus suffisante lorsqu’on décida en 1836 la réunion des orphelins du faubourg Saint-Antoine aux enfans trouvés de la rue d’Enfer. On l’a agrandie en y ajoutant deux ailes énormes, qui contiennent des classes, des dortoirs larges et convenablement aérés. Les jardins sont magnifiques ; il y a surtout une haute futaie d’ormeaux entourée de gazons verts, où broutent quelques chèvres, qui pourrait rivaliser avec plus d’un parc princier. C’est à côté de ces grands ombrages qu’est situé le gymnase, où les enfans qui sont en âge d’en profiter prennent des leçons de souplesse et d’agilité sous la direction d’un professeur spécial. Malgré cette verdure, malgré l’espace, malgré l’éblouissante propreté qui règne dans tous les appartemens, je ne connais pas d’hôpital, de prison plus pénible à visiter que cette maison où la charité et la science réunissent leurs efforts pour élever des enfans malingres. M. Michelet l’appelle « le funèbre hospice ; » il a raison. Lorsqu’on voit des détenus pâtir dans leur triste cellule, lorsqu’on rencontre un vieillard indigent et infirme qui se traîne en béquillant dans les préaux d’un refuge, à l’un et souvent à l’autre on peut dire : Qu’as-tu fait de la vie, et n’as-tu pas aujourd’hui le châtiment des fautes que tu as commises ? mais à ces enfans que peut-on reprocher ? C’est vers ces pauvres êtres si injustement misérables que la charité devrait se tourner avec le plus de largeur et de persistance, car là tout est à sauver, la chair et l’esprit.

Certes ils sont mieux, beaucoup mieux soignés par les filles de